La Turquie se retire de la convention contre les violences de genre, un recul des droits des femmes préoccupant

26 mars 2021

Le Président turc Recep Tayyip Erdogan a décidé le 20 mars 2021 de sortir la Turquie de la Convention d’Istanbul, le premier instrument international contraignant visant à lutter contre les violences de genre. L’OSAR est fortement préoccupée par cette décision et demande aux autorités suisses de reconsidérer leur pratique à l’égard des requérant-e-s d’asile d’origine turque, victimes de violence de genre.

La Turquie avait pourtant été en 2011 le premier État signataire de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique – dite d’Istanbul. Ce traité - aujourd’hui signé par 46 pays et ratifié par 34, dont la Suisse en 2018 - vise à prévenir, poursuivre et éliminer toutes les formes de violences à l’égard des femmes et de la communauté LGBTQI.

Cette décision est avant tout un pas en arrière pour les femmes et personnes LGBTQI turques, de plus en plus victimes de violences de genre depuis la tentative de coup d’État en juillet 2016 en Turquie. Elle intervient quelques jours avant le sommet européen des 25 et 26 mars, apparaissant ainsi comme une nouvelle provocation du président Erdogan face à ces partenaires européens.

En se retirant du traitĂ©, le prĂ©sident turc choisit d’abandonner les efforts visant Ă  protĂ©ger les victimes de violence de genre et se libère des enquĂŞtes indĂ©pendantes du Conseil de l’Europe, qui pouvaient jusqu’à alors exercer une pression internationale Ă  son encontre. 

Dans un rapport publiĂ© en octobre 2018, le GREVIO (le groupe d’experts sur la lutte contre la violence Ă  l’égard des femmes et la violence domestique du Conseil de l’Europe), s’est montrĂ© très critique Ă  l’égard de la situation des victimes de violence sexiste en Turquie. Il y met en avant les limites de l’État turc Ă  pouvoir protĂ©ger les victimes de violences domestiques et soulève que les rĂ©ponses apportĂ©es aux formes de violences sont souvent faibles et partielles.

Impact sur la Suisse

Du point de vue de l’OSAR, la sortie de la Turquie du traitĂ© d’Istanbul devrait conduire les autoritĂ©s suisses – Ă  savoir le SecrĂ©tariat d’État aux migrations (SEM) et le Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral (TAF) – Ă  reconsidĂ©rer leur pratique vis-Ă -vis des requĂ©rant-e-s d’asile d’origine turque, victimes de violence de genre. 

La ratification de la Convention d'Istanbul est souvent mentionnée par les autorités suisses – à tort – comme une raison valable pour confirmer la volonté et la capacité de l'État d’origine du requérant à protéger la victime, sans que le TAF ne conduise d’analyse sur la manière dont la convention est réellement mise en œuvre dans la pratique. En ce qui concerne la Turquie et du point de vue de l’OSAR, les autorités suisses devraient évaluer le risque réel de privation de la vie, de torture ou de traitements inhumains avant de rejeter une demande d’asile et de se prononcer sur un renvoi vers la Turquie.

Pour les États ayant ratifiĂ© la Convention d’Istanbul, l’OSAR observe que les rapports GREVIO ne sont que très peu utilisĂ©s par les reprĂ©sentant-e-s du SEM et du TAF dans leur pratique, et ce, malgrĂ© l’entrĂ©e en vigueur de la convention en 2018 en Suisse. Elle regrette en outre que les autoritĂ©s suisses ne vĂ©rifient que de manière superficielle la capacitĂ© et la volontĂ© de protection de l’État d’origine des personnes requĂ©rantes d’asile, surtout lorsqu’il s’agit d’États membres de l’espace Schengen ou des Balkans. Elles doivent pourtant examiner attentivement la situation spĂ©cifique de chaque personne requĂ©rante d’asile.  

La revue spĂ©cialisĂ©e Â«Asyl» a consacrĂ© son numĂ©ro 4/20  Ă  la Convention d'Istanbul.  

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