Le système Dublin
Le système Dublin détermine l’État membre compétent pour le traitement d’une demande d’asile. Le règlement Dublin III entraîne une répartition extrêmement inégale des responsabilités en matière d’asile entre les pays européens. Ainsi, ce sont les pays situés aux frontières extérieures de l’UE, comme l’Italie et la Grèce, qui sont chargés de traiter la majorité des demandes d’asile.
Pacte de l’UE sur la migration et l’asile
En septembre 2020, la Commission européenne a présenté ses propositions pour un nouveau pacte européen sur la migration et l’asile. Ce dernier vise à développer davantage le régime d’asile européen commun (RAEC) et à mettre fin à l’impasse dans laquelle se trouve depuis longtemps la politique européenne en matière de migration et d’asile. Un « nouveau départ » était alors annoncé en la matière pour l’Europe, mais le recours à la dissuasion et à l’isolement prévaut toujours sur le respect de la dignité humaine, de l’État de droit et des droits humains. À ce jour, les différents aspects du pacte ne se trouvent pas tous au même stade d’avancement dans les négociations. Les institutions européennes ont l’intention de parvenir à un accord sur l’ensemble des points en suspens, dans la mesure du possible, d’ici à l’été 2024.
Du point de vue de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), le pacte de l’UE ne résout pas les problèmes existants et affaiblit davantage les droits des personnes réfugiées.
Régime des frontières
Depuis 2015, l’UE renforce sa politique de dissuasion et d’isolement et verrouille autant que possible ses frontières extérieures contre la migration irrégulière. Elle bloque les routes migratoires sûres pour les personnes en quête de protection, pactise avec des despotes et des dictateurs et s’accommode de violations des droits humains. La violence, la misère et les décès sont monnaie courante aux frontières.
Les éléments centraux qui constituent le régime des frontières de l’UE sont les suivants.
- Forteresse Europe : sur terre comme en mer, les frontières extérieures de l’UE sont régulièrement le théâtre de refoulements illégaux, au cours desquels les personnes en quête de protection sont repoussées de manière brutale et en violation du droit international, se voyant refuser le droit de déposer une demande d’asile. Sur le continent, les États membres investissent toujours plus dans la construction de clôtures aux frontières et autres infrastructures afin de rendre l’UE inaccessible aux personnes en quête de protection. Les personnes qui parviennent malgré tout à entrer sur le continent européen sont souvent bloquées aux frontières extérieures dans des zones de transit ou des camps, dans des conditions inhumaines.
- Frontex : ces dernières années, l’Agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes a constamment étendu ses activités aux frontières extérieures de l’UE, devenant un instrument central de la politique isolationniste européenne. Pour ce faire, elle bénéficie de toujours plus de moyens, de personnel, de compétences et d’autonomie. Depuis longtemps, des voix s’élèvent contre Frontex, dénonçant les violations des droits humains et des dossiers de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) montrent que l’agence a déjà commis de graves fautes en la matière. En tant que membre associé de Schengen/Dublin, la Suisse participe également à Frontex et dispose de deux sièges au sein de son conseil d’administration. L’OSAR a rédigé en avril 2022 un document de base, dans lequel elle présente des solutions relatives à la situation aux frontières extérieures de l’UE et à la réforme nécessaire de Frontex.
- Coopération avec les États tiers : pour empêcher l’exil par la Méditerranée, voie d’accès centrale, l’UE coopère avec la Libye, un État en guerre civile et quasiment dépourvu de structures étatiques. Elle finance les garde-côtes libyens, auxquels elle fournit des bateaux, des armes et tout le matériel nécessaire, et entraîne les équipages. En contrepartie, les garde-côtes interceptent les bateaux de personnes réfugiées en mer Méditerranée et forcent les personnes qui se trouvent à bord à retourner dans des camps libyens, où elles risquent de subir des violences, d’être réduites en esclavage ou tuées. L’UE s’accommode de cette violation manifeste des droits humains et du principe de non-refoulement prévu par le droit international. Des conventions telles que celles conclues avec la Libye, la Turquie et également avec la Tunisie font partie de la stratégie centrale de l’UE, qui cherche à déplacer progressivement le contrôle de ses frontières extérieures vers les pays de provenance et de transit. Pour ce faire, l’UE pactise avec des despotes et des dictateurs et finance d’innombrables programmes, projets et instruments, qui ont tous pour but de stopper les départs du continent voisin et de faciliter les renvois. En échange, l’Europe promet aux dirigeants des marchés de plusieurs milliards, des aides économiques, des facilités pour les visas et d’autres formes de soutien.
Sauvetage en mer
Ces dernières années, les États ont fortement limité les sauvetages en mer Méditerranée. La mission italienne Mare Nostrum, dont l’engagement a pris fin en 2014, avait encore pour tâche prioritaire de sauver des femmes et des hommes. Les opérations Triton et Sophia, que l’UE a mises en place par la suite, visaient davantage à lutter contre les passeurs et la migration illégale. Depuis mars 2019, l’opération Sophia ne dispose plus de bateaux et se limite à des reconnaissances aériennes.
Des organisations de sauvetage privées comme SOS Méditerranée, Médecins Sans Frontières, Mission Lifeline et Sea-Watch tentent de combler cette lacune et ont sauvé des dizaines de milliers de vies.
Cependant, les bateaux de sauvetage civils sont délibérément entravés : les ports européens leur sont souvent fermés et les opérations de sauvetage sont sabotées. Les personnes privées qui fournissent de l’aide sont criminalisées, condamnées, emprisonnées. Cette politique européenne a des conséquences dévastatrices et parfois mortelles pour les personnes réfugiées.
Notre engagement
- Une application humaine du règlement Dublin III : le règlement Dublin III entraîne une répartition extrêmement inégale des responsabilités entre les pays européens. La Suisse devrait appliquer le règlement avec humanité et utiliser la marge d’appréciation prévue par l’article 17, alinéa 1, du règlement Dublin III. Elle doit s’engager, aux niveaux bilatéral et multilatéral, pour la mise en place immédiate d’un mécanisme européen d’urgence visant à répartir les personnes réfugiées sauvées en mer entre les différents États membres.
- Une réorientation de la politique européenne en matière d’asile et de migration :avec son pacte sur la migration et l’asile, la Commission européenne a manqué l’occasion de conduire une réforme profonde de la politique migratoire européenne. En collaboration avec de nombreuses ONG, fondations, associations et villes européennes, l’OSAR dénonce les propositions de la Commission et appelle à une réorientation de la politique européenne en matière d’asile et de migration : loin de la dissuasion et de l’isolement, vers l’humanité et la solidarité.
- La création de voies d’accès légales : compte tenu du fait que les frontières extérieures de l’Europe sont repoussées toujours plus loin au moyen d’accords douteux, le nombre de routes migratoires vers l’Europe diminue à vue d’œil. L’OSAR s’engage pour la création d’un plus grand nombre de voies d’accès légales qui permettent aux personnes ayant droit à une protection de se rendre en Europe et en Suisse en toute sécurité. Il est en outre indispensable d’augmenter les contingents de réinstallations.
- La mise en place d’un système européen de sauvetage en mer :ces dernières années, les États ont fortement limité les sauvetages en mer Méditerranée. La Suisse doit s’engager pour la mise en place d’un système de sauvetage en mer pérenne, organisé à l’échelle européenne, et devrait également y contribuer sur les plans financier et opérationnel.