Le système Dublin
Le système Dublin détermine l'État membre compétent pour le traitement d’une demande d’asile. Juridiquement, il se fonde sur le règlement Dublin (actuellement, règlement Dublin III). Ce règlement prévoit, dans la plupart des cas, que c'est le pays par lequel la personne requérante d’asile est entrée en Europe qui doit traiter la demande. Il permet aux autorités suisses de renvoyer les personnes requérantes d’asile dans l'État européen qu’elles estiment compétent pour le traitement de la demande d’asile. Il vise à ce qu’une demande d’asile ne soit traitée en Europe que par un pays (et donc à éviter qu’une personne requérante d’asile ne dépose plusieurs demandes) mais aussi à ce que toute demande d’asile soit examinée (et donc à éviter les « réfugiés en orbite »).
Le règlement Dublin III entraîne une répartition extrêmement inégale des responsabilités en matière d’asile entre les pays européens. Ainsi, ce sont les pays situés aux frontières extérieures de l’UE, par exemple l’Italie et la Grèce, qui sont chargés de traiter la majorité des demandes d’asile.
Le règlement Dublin III précise à son art. 17 que chaque État contractant peut traiter une demande d’asile introduite sur son territoire même s’il estime que son traitement est du ressort d’un autre État. Cette clause peut notamment être invoquée :
- pour des motifs humanitaires;
- pour des motifs de compassion;
- afin de permettre le rapprochement de membres de la famille.
Du point de vue de l’OSAR, les autorités suisses appliquent cette clause de façon très restrictive.
Pacte de l'UE sur la migration et l'asile
En septembre 2020, la Commission européenne a présenté ses propositions pour un nouveau pacte européen sur la migration et l'asile. Ce dernier vise à développer davantage le régime d'asile européen commun (RAEC) et à mettre fin à l'impasse dans laquelle se trouve depuis longtemps la politique européenne en matière de migration et d'asile. Pourtant annoncé comme un « nouveau départ » dans la gestion européenne de l’exil et des personnes réfugiées, le pacte présente une dénomination bien trompeuse. En effet, non seulement ne résout-il pas les problèmes existants, mais il affaiblit les droits des personnes réfugiées.
Régime des frontières
Depuis 2015, l’UE mène systématiquement une politique de dissuasion et d’isolement et verrouille autant que possible ses frontières extérieures contre la migration irrégulière. Elle bloque les routes migratoires sûres pour les personnes en quête de protection, pactise avec des despotes et des dictateurs et s’accommode de violations des droits humains. Il y a de la violence, de la misère et des décès : des personnes en exil sont contraintes de demeurer dans des zones de transit et des camps dans des conditions inhumaines. Aux frontières extérieures de l’UE, on assiste régulièrement à des renvois forcés illégaux : à la frontière, des personnes en quête de protection sont brutalement repoussées et le droit de déposer une demande d’asile leur est refusé. En mer Méditerranée, l’UE coopère avec les gardes-côtes libyens, qui interceptent les personnes à la recherche d’un refuge et les ramènent en Libye, en violation du droit international.
Le régime des frontières de l’UE est constitué des éléments centraux ci-après :
- Frontex : Ces dernières années, l’Agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes a constamment étendu ses activités aux frontières extérieures de l’UE et elle est devenue un instrument central de la politique isolationniste européenne. Frontex bénéficie à cet effet de toujours plus de moyens, de compétences et d’autonomie. Cependant, des possibilités de contrôle du respect des droits humains et de plainte sont totalement absentes. Frontex est sous le feu des critiques pour avoir fermé les yeux sur des violations des droits humains et est même soupçonnée d'avoir commis de telles violations. Le 12 janvier 2021, l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête à l’encontre de Frontex, accusée d’avoir refoulée des personnes en quête de protection en mer Egée.
- Pacte Turquie - UE : Pour fermer la route des Balkans, l’UE a conclu, en mars 2016, un pacte douteux avec le président turc Recep Tayyip Erdoğan : les personnes en quête de protection qui entrent en Grèce à partir de la Turquie sont renvoyées dans ce pays. En échange, les États de l’UE s’engagent à admettre par des routes légales une personne syrienne réfugiée en Turquie pour chaque syrienne ou syrien refoulé. La mise en œuvre de ce pacte a depuis lors entraîné un état d’exception permanent en mer Égée. Les camps des îles grecs sont devenus de facto des prisons dans lesquelles des millions de personnes en quête de protection sont contraintes de vivre dans des conditions extrêmement précaires.
- Coopération avec la Libye : Pour empêcher la fuite par la Méditerranée, la route migratoire la plus empruntée, l’UE coopère avec la Libye, un État en guerre civile quasiment dépourvu de structures étatiques. Elle finance les gardes-côtes libyens, qu’elle équipe de bateaux, d’armes et de tout le matériel nécessaire et dont elle entraîne les équipages. En échange, les gardes-côtes interceptent les bateaux de réfugiés en mer Méditerranée et forcent leurs occupants à retourner dans des camps libyens, où ils sont menacés par la violence, l'esclavage et la mort. L’UE s’accommode de cette violation manifeste des droits humains et du principe de non-refoulement prévu par le droit international.
- Déplacement du contrôle des frontières extérieures : Les conventions avec la Turquie et la Libye font partie d’une stratégie centrale de l’UE, qui cherche à déplacer progressivement le contrôle de ses frontières extérieures dans les pays de provenance et de transit, parfois loin à l’intérieur du continent africain. À cet effet, l’UE pactise avec des despotes et des dictateurs et finance entre-temps d’innombrables programmes, projets et instruments, qui ont tous pour but de stopper les départs du continent voisin et de faciliter les renvois. En échange, l’Europe promet aux dirigeants africains des marchés portant sur des milliards de francs, des aides économiques, des facilités pour les visas et d’autres soutiens.
Sauvetage en mer
Ces dernières années, les États ont fortement limité les sauvetages en mer Méditerranée. La mission italienne « Mare Nostrum », dont l'engagement a pris fin en 2014, avait encore pour tâche prioritaire de sauver des femmes et des hommes. Les opérations « Triton » et « Sophia » que l’UE a ensuite mises en place se sont concentrées davantage sur la lutte contre les passeurs et la migration illégale. Depuis mars 2019, l’opération « Sophia » ne dispose plus de bateaux et se limite à des reconnaissances aériennes.
Des organisations de sauvetage privées comme SOS Méditerranée, Médecins Sans Frontières et Sea-Watch tentent de combler cette lacune et elles ont sauvé des dizaines de milliers de personnes.
Cependant, les bateaux de sauvetage civils sont systématiquement entravés : les ports européens leur sont souvent fermés et les particuliers qui fournissent de l’aide sont criminalisés, condamnés, emprisonnés. Cette politique européenne a des conséquences dévastatrices : les personnes en quête de protection sont contraintes d’opter pour des itinéraires qui mettent leur vie en péril.
Nos exigences
- La Suisse devrait appliquer avec humanité le règlement Dublin et utiliser la latitude que lui accorde son art. 17 al. 1. Il faut que la Suisse s’engage, au niveau bilatéral et multilatéral, en faveur d’un mécanisme européen d’urgence visant à répartir les réfugiés secourus en mer. Elle devrait s’impliquer activement dans la coalition des États volontaires qui n’entendent plus assister sans réaction aux morts en Méditerranée.
- Avec de nombreuses ONG, fondations, associations et villes européennes, l’OSAR dénonce les propositions de la Commission européenne concernant le pacte de l’UE sur la migration et l'asile et appelle à une réorientation - loin de la dissuasion et de l'isolement - vers l'humanité et la solidarité.
- La Suisse devrait contribuer à évacuer de Libye les personnes en quête de protection et renforcer l’aide d’urgence sur place pour les personnes concernées.
- Pour mettre fin à la catastrophe humanitaire sur la route de la Méditerranée, il est indispensable d’augmenter les contingents de réinstallations.
- La Suisse doit s’engager en faveur de la mise en place d’un système de sauvetage en mer pérenne, organisé au niveau européen et devrait également y participer sur les plans financier et opérationnel.