Motifs d'exil
Les talibans contrôlent le territoire afghan depuis le mois d’août 2021. Après s’être emparés du pouvoir, ils ont mis en place un gouvernement de transition : l’Émirat islamique d’Afghanistan. Malgré la promesse d’un gouvernement de transition inclusif, celui-ci est principalement composé d’hommes pachtounes, tous membres haut placés des talibans. Les talibans ont effacé toute trace de démocratie et recourent à la charia comme base légale. Les châtiments corporels, sous forme de coups de fouet, d’amputations et d’exécutions, sont à nouveau monnaie courante et même les personnes ayant commis des infractions dites morales peuvent être condamnées à de telles peines. Les anciens membres des forces de sécurité, les journalistes et les personnes critiques à l’égard du gouvernement font partie des groupes cibles des talibans. Les femmes afghanes, quant à elles, sont privées de leurs droits fondamentaux et sont discriminées dans tous les domaines de la vie.
La prise de pouvoir rapide et inattendue par les talibans, l’absence de dispositions transitoires ainsi que l’arrêt brutal de l’aide financière internationale ont plongé l’Afghanistan dans une crise économique, financière et humanitaire sans précédent. Aujourd’hui, 97 % des Afghanes et des Afghans vivent dans la pauvreté, 24,4 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire et 6 millions d’entre elles sont au bord de la famine. Le HCR estime que plus de 1,6 million de personnes ont fui le pays depuis la prise de pouvoir.
Demandes d'asile
Depuis plusieurs années, l’Afghanistan compte parmi les principaux pays d’origine des personnes qui déposent des demandes d’asile en Suisse. Ainsi en 2022, 7054 demandes d’asile ont été déposées par des Afghanes et des Afghans, dont 6719 ont été traitées en première instance, 95 concernaient des regroupements familiaux, 168 portaient sur des naissances et 73 sur des demandes multiples.
Pratique des autorités suisses
À la mi-août 2021, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a annoncé qu’il suspendait provisoirement les renvois vers l’Afghanistan et qu’il renonçait aux rapatriements compte tenu de l’aggravation dramatique de la situation dans le pays.
Statut de protection
Selon les données du SEM, 4739 décisions relatives à des demandes déposées par des Afghanes et des Afghans ont été rendues. Au total, 573 personnes ont obtenu l’asile et 2780 ont été admises à titre provisoire. Le taux de protection, c’est-à -dire le nombre d’octrois d’asile plus les admissions provisoires par rapport au total de toutes les décisions, s’élevait donc à 72,8 %. Le taux d’octroi d’asile n’est que de 12,4 %. Les demandes d’asile restantes ont pour la plupart fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière Dublin, ce qui signifie qu’il incombe à un autre État de l’espace Schengen de les traiter.
Notre engagement
- Aide humanitaire : la situation humanitaire en Afghanistan est extrêmement précaire. La Suisse doit participer à l’aide humanitaire, notamment en soutenant financièrement les organisations internationales actives sur place et en leur fournissant du matériel. Le HCR estime que plus de 1,6 million d’Afghanes et d’Afghans ont fui le pays depuis la prise de pouvoir des talibans. Fin 2022, 4,5 millions de personnes afghanes vivaient au total en Iran et 3,7 millions au Pakistan. Parmi elles, 750 000 étaient enregistrées comme réfugiées en Iran et 1,3 million au Pakistan. Davantage de soutien doit également être fourni aux pays voisins, tels que l’Iran ou le Pakistan, qui accueillent la majorité des personnes réfugiées.
- Assouplissement des conditions d’octroi de visas et accélération des procédures de regroupement familial : avec l’octroi de visas humanitaires et les procédures de regroupement familial, le droit d’asile suisse offre déjà des solutions concrètes qui permettent aux personnes en quête de protection de se rendre en Suisse en toute sécurité. La pratique actuelle est toutefois extrêmement restrictive. La Suisse doit faciliter et accélérer l’octroi de visas humanitaires pour toutes les personnes afghanes menacées, en particulier pour les femmes et les filles. Les visas de visite comme mesure immédiate doivent être délivrés aux personnes ayant fui l’Afghanistan et dont des membres de leur famille ont obtenu un permis de séjour ou une admission provisoire en Suisse.
- Augmentation des contingents de réinstallation : en Suisse, le contingent de réinstallation prévoit expressément, outre les contingents annuels ordinaires, une option pour les situations d’urgence humanitaire. Plusieurs cantons, communes et villes ont récemment fait part de leur volonté d’accueillir un plus grand nombre de personnes réfugiées. Les Églises et les organisations de la société civile se sont également déclarées prêtes à s’engager davantage. Le Conseil fédéral doit donc, en concertation avec les cantons, les communes et les villes, décider immédiatement d’accueillir plus de personnes réfugiées dans le cadre du programme de réinstallation, notamment des personnes réfugiées particulièrement vulnérables telles que les femmes, les enfants et les familles, et collaborer avec le HCR pour la mise en œuvre de cette mesure.
- Protection et statut de séjour ordinaire : Une amélioration de la situation en Afghanistan n’est pas en vue et les personnes afghanes déboutées avant la prise de pouvoir des talibans ne peuvent être renvoyées vers leur pays. En ce qui concerne les personnes réfugiées afghanes se trouvant déjà en Suisse, le SEM doit prendre des mesures particulières et adapter sa pratique aux événements actuels. Les demandes pendantes d’Afghanes et d’Afghans doivent être traitées dans les plus brefs délais, afin de ne pas laisser ces personnes trop longtemps dans l’attente. Celles qui sont actuellement en procédure d’asile en Suisse doivent en principe obtenir l’asile ou être au moins admises à titre provisoire. Celles qui ont été déboutées et qui se trouvent encore en Suisse doivent pouvoir déposer une demande de réexamen ou une seconde demande afin d’obtenir un statut de séjour ordinaire.
Asile pour les femmes et les filles afghanes : depuis la prise de pouvoir des talibans, la situation des femmes et des filles s’est considérablement dégradée en Afghanistan. Leurs droits dans de nombreux domaines, tels que le travail, la formation, l’accès aux soins, la liberté de circulation et la participation politique sont restreints ou leur sont même retirés. Les femmes et les filles sont donc de plus en plus exclues de l’espace public. L’Agence de l’Union européenne pour l’asile demande que le statut de personnes réfugiées soit accordé aux femmes et aux filles d'Afghanistan en raison de la persécution par les talibans. En Suède et au Danemark, les autorités en matière d’asile leur octroient en principe l’asile. Ces femmes et ces filles devraient également obtenir l’asile en Suisse au motif que leurs conditions de vie se sont détériorées en Afghanistan.