Motifs d'exil
La guerre de presque vingt ans et les violations des droits humains sont les principaux motifs de fuite des requérant-e-s d’asile afghans. Parmi les différents acteurs à l’origine des hostilités, des actes de violence et des violations des droits humains, il y a notamment des groupes d’opposition armés comme les talibans et l’« État islamique » (EI/Daesh), les milices locales, les groupements criminels, ainsi que les forces de sécurité afghanes et étrangères. Selon les estimations des Nations Unies, près de 111'000 personnes civiles ont été tuées ou blessées dans le cadre du conflit armé entre 2009 et 2020. Après la prise du pouvoir par les talibans, les perspectives en matière de sécurité sont plus sombres que jamais. Les premiers rapports indiquent déjà que la situation s'est aggravée, notamment pour les femmes, les (anciennes) forces de sécurité afghanes, les personnes qui ont « collaboré » avec l'Occident ou celles accusées de « comportement occidental », et les minorités chiites. Des milliers de personnes cherchent désespérément un moyen de quitter le pays.
Demandes d'asile
Depuis plusieurs années, l’Afghanistan figure parmi les principaux pays d’origine des requérant-e-s d’asile en Suisse. Avec 3 079 demandes, il est même devenu en 2021 le principal pays d’origine des requérant-e-s d’asile en Suisse. En 2020, le nombre de demandes d’asile émanant de personnes originaires d’Afghanistan était de 1681. Ce chiffre a donc augmenté de plus de 80 pour cent entre 2020 et 2021. Parmi ces 3 079 demandes, 2 789 étaient des demandes primaires et 212 étaient de demandes secondaires (regroupement familial, naissances et demandes multiples).
Pratique des autorités suisses
Malgré les conditions de sécurité difficiles qui règnent en Afghanistan, les autorités suisses ont longtemps jugé acceptables dans certaines circonstances les renvois de requérant-e-s d’asile afghans dans les villes de Kaboul, Herat et Mazar-i-Sharif. Toutefois, à la mi-août 2021, le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) a annoncé que, compte tenu de la dégradation dramatique de la situation, il suspendait temporairement les expulsions et renonçait aux renvois vers l'Afghanistan.
Statut de protection
Dans plusieurs pays européens, dont la Suisse, la guerre civile n’est pas considérée comme un motif valable pour obtenir l’asile, puisque la persécution n’est pas ciblée (art. 3 LAsi). Les personnes déplacées par des conflits armés obtiennent donc généralement l’admission provisoire (livret F). C’est notamment le cas de la plupart des requérant-e-s d’asile afghan-e-s.
En 2021, sur un total de 2 755 cas réglés, 446 Afghan-e-s ont obtenu l'asile et 1 524 ont obtenu l'admission provisoire. Le taux de protection (octrois de l’asile, plus les admissions provisoires dans le total de toutes les décisions) s’élevait donc à 73%. Les autres requérant-e-s ont pour la plupart fait l’objet d’une décision de rejet ou de non-entrée en matière Dublin, c’est-à -dire qu’un autre État de l’espace Schengen-Dublin est responsable de leur demande.
Ce que nous exigeons
- Une aide humanitaire d’urgence et des évacuations rapides : Selon le HCR, 2,2 millions d'Afghans vivaient déjà fin 2020 comme réfugiés dans les pays voisins, en Iran et au Pakistan. Fin 2020, environ 2,9 millions de personnes étaient déplacées à l’intérieur du pays. De janvier à septembre 2021, 665 000 personnes ont été nouvellement déplacées. La Suisse doit immédiatement fournir une aide humanitaire d'urgence aux organisations internationales qui travaillent sur place, les soutenir financièrement et en bien de première nécessité. Elle doit également soutenir les efforts de la communauté internationale pour évacuer immédiatement les réfugiés d'Afghanistan. En outre, le soutien des pays voisins tels que l'Iran et le Pakistan, qui accueillent la majorité des réfugiés, devrait être étendu ;
- De faciliter la délivrance des visas humanitaires et l’accélération du regroupement familial : Dans le droit d'asile suisse, il existe déjà des instruments pour faire venir en Suisse de manière sûre les personnes qui recherchent protection, dont l’octroi de visas humanitaire et la possibilité de regroupement familial. Cependant, la pratique actuelle est extrêmement restrictive. La Suisse devrait faciliter et accélérer la délivrance de visas humanitaires pour toutes et tous les Afghan-e-s vulnérables. Dans l'immédiat, des visas de visiteur devraient être accordés aux réfugiés en Afghanistan qui ont des membres de leur famille en Suisse avec un permis de séjour ou une admission temporaire ;
- De créer des contingents de réinstallation supplémentaires : Le contingent de réinstallation de la Suisse prévoit explicitement une option pour les urgences humanitaires, en plus des contingents annuels réguliers. Plusieurs cantons, communes et villes ont récemment déclaré qu'ils étaient prêts à accueillir davantage de réfugiés. Les églises et les organisations de la société civile sont également prêtes à accroître leur engagement. Le Conseil fédéral, en concertation avec les cantons, les communes et les villes, devrait donc décider immédiatement de l'admission humanitaire supplémentaire d'un maximum de réfugiés de réinstallation - à savoir des réfugiés particulièrement vulnérables comme les femmes, les enfants et les familles - et la mettre en œuvre en collaboration avec le HCR ;
- Une protection et un statut de séjour régulier : Le SEM doit prendre des mesures spéciales et adapter la pratique aux réfugiés afghans qui se trouvent déjà en Suisse. Une amélioration de la situation en Afghanistan n'est pas prévisible dans un avenir proche. Il convient donc de statuer le plus rapidement possible sur les demandes en suspens des réfugiés afghans afin de ne pas les laisser en attente trop longtemps. Les réfugiés afghans qui font actuellement l'objet d'une procédure d'asile en Suisse devraient se voir accorder en principe l'asile ou au moins une admission temporaire. Les réfugiés afghans qui ont déjà reçu une décision négative et qui se trouvent encore en Suisse devraient être autorisés à déposer des demandes de réexamen et des secondes demandes d'asile afin de pouvoir bénéficier d'un statut de séjour régulier.