Erythrée

Érythrée

La situation en matière de droits humains en Érythrée reste préoccupante et s’est encore détériorée depuis l’implication du pays dans la guerre du Tigré. Chaque année, plusieurs milliers de personnes fuient le pays. Les autorités suisses continuent pourtant de prononcer des décisions de renvoi à l’égard de ressortissantes et ressortissants d'Érythrée. Nous nous engageons pour que la pratique de l’asile tienne davantage compte de la notion de protection et développe les possibilités de régularisation du statut de séjour.

Motifs d'exil

L’Érythrée est une dictature répressive, où les violations des droits humains sont monnaie courante. Les hommes, les femmes et parfois même les enfants sont recruté-e-s de force dans le service national à durée illimitée et y sont exposé-e-s à de graves violations des droits humains. Actuellement, plusieurs milliers de personnes sont détenues arbitrairement, sans inculpation et dans des conditions inhumaines, notamment des opposantes et des opposants au régime, des journalistes et des membres de minorités religieuses. Les rapports d’organisations internationales montrent que les personnes qui ont déserté ou qui refusent de servir sont emprisonnées et torturées.

Selon Mohamed Abdelsalam Babiker, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits humains en Érythrée, la situation s’est détériorée dans plusieurs domaines depuis le début de la guerre du Tigré en novembre 2020 et de ses conséquences. Dans tout le pays, le gouvernement érythréen a intensifié les raids afin d’appréhender les personnes qui se soustraient au service militaire. La pression exercée sur les membres de leur famille pour divulguer leur lieu de séjour s’est également accrue. Les familles sont arrêtées ou voient leurs maisons confisquées. Lors des opérations d’enrôlement, il arrive de plus en plus souvent que des personnes âgées et des jeunes soient enrôlé-e-s de force.

À ce jour, il n’existe aucune source indépendante et fiable pouvant attester d’une amélioration de la situation des droits humains en Érythrée.

Demandes d'asile en Suisse

Selon les données du SEM, l’Érythrée est le troisième pays d’origine le plus représenté en 2023, avec 2190 demandes d’asile enregistrées. Parmi ces demandes, 705 étaient des demandes primaires. Sur les 1403 demandes secondaires, 1207 portaient sur des naissances, 126 des regroupements familiaux et 70 des demandes multiples. Les demandes primaires sont des demandes d’asile déposées indépendamment, tandis que les demandes secondaires sont consécutives à une demande déjà déposée (par exemple des naissances).

Pratique des autorités suisses

La pratique des autorités suisses en matière d’asile et de renvoi des personnes requérantes d’asile d’Érythrée s’est durcie depuis 2016. En effet, le départ illégal du pays et la menace d’enrôlement dans le service national ne conduisent plus, en soi, à la reconnaissance de la qualité de personne réfugiée. De plus, les autorités suisses estiment que l’exécution des renvois vers l’Érythrée est raisonnablement exigible.

En l’absence d’un suivi des retours, on ignore généralement ce qu’il advient des personnes qui sont retournées en Érythrée. Un cas a pu être documenté pour la première fois en mai 2022. À la suite du rejet de sa demande d’asile par la Suisse, « Yonas » est retourné en Érythrée, où il a été arrêté et torturé. Il a réussi à fuir une nouvelle fois vers la Suisse, qui a accepté sa seconde demande d’asile. Ce cas montre le risque encouru lorsque des décisions de renvoi sont prises en dépit d’informations peu claires.

Comme les renvois forcés vers l'Érythrée ne sont pas exécutables, un nombre croissant de personnes se retrouvent à l'aide d'urgence, obligées de vivre dans des situations extrêmement précaires, depuis le durcissement de la pratique des renvois.

Obligation inacceptable de se procurer un passeport
Les personnes Ă©rythrĂ©ennes qui ont Ă©tĂ© admises provisoirement en Suisse en tant que personne Ă©trangère doivent rĂ©gulièrement prĂ©senter un passeport Ă©rythrĂ©en pour la conversion du permis F en permis B (autorisation pour cas de rigueur) ; de mĂŞme pour la rĂ©gularisation en cas de dĂ©cision nĂ©gative avec renvoi. Il en va de mĂŞme pour le regroupement familial, les voyages justifiĂ©s, les mariages ou autres changements d'Ă©tat civil. Si elles ne possèdent pas de passeport, le consulat gĂ©nĂ©ral Ă©rythrĂ©en Ă  Genève en dĂ©livre un mais uniquement contre signature d'une dĂ©claration dite de repentir et contre le versement de 2 % du revenu, appelĂ© taxe de la diaspora. Avec la dĂ©claration de repentir, les ÉrythrĂ©ennes et Ă‰rythrĂ©ens  doivent signer un aveu de culpabilitĂ© et accepter expressĂ©ment des mesures pĂ©nales parce que, du point de vue de leur pays d'origine, ils n'ont pas rempli leurs obligations nationales. En outre, les autoritĂ©s Ă©rythrĂ©ennes exigent des informations sur les membres de leur famille restĂ©s dans leur pays d'origine.

Il n'est pas raisonnable de leur demander, pour obtenir un passeport, de signer la déclaration de repentir et de mettre ainsi en danger des proches et des connaissances restés au pays, ni de payer l'impôt de la diaspora, car la plupart des personnes érythréennes en Suisse ont fui le régime de leur pays d'origine, le service national illimité dans le temps, l'enrôlement forcé et les peines de prison de plusieurs années dans les pires conditions.

Statut de protection

De manière générale, la plupart des personnes requérantes d’asile originaires d’Érythrée obtiennent soit le statut de personne réfugiée reconnue, soit une admission provisoire. En 2023, selon les données du SEM, sur un total de 1959 cas réglés, 1168 Érythréen-ne-s ont obtenu l’asile et 395 ont obtenu une admission provisoire. Le taux de protection, c’est-à-dire le nombre d’octrois d’asile plus les admissions provisoires par rapport au total de toutes les décisions, s’élevait donc à 82,3 %. Le SEM a prononcé un renvoi dans 207 cas.

Comme les renvois forcés vers l’Érythrée ne sont pas exécutables, un nombre croissant de personnes se retrouvent à l’aide d’urgence, obligées de vivre dans des situations extrêmement précaires, depuis le durcissement de la pratique des renvois.

Notre engagement

  • Les dĂ©veloppements actuels et la situation en matière d’information doivent ĂŞtre suffisamment pris en compte dans les dĂ©cisions d’asile : depuis 2016, le dĂ©part illĂ©gal du pays et la menace d’enrĂ´lement dans le service national ne conduisent plus, en soi, Ă  la reconnaissance de la qualitĂ© de personne rĂ©fugiĂ©e pour les personnes requĂ©rantes d’asile d’ÉrythrĂ©e. De plus, les autoritĂ©s suisses estiment que l’exĂ©cution des renvois vers l’ÉrythrĂ©e est raisonnablement exigible. Aux yeux de l’OSAR, ces durcissements ne sont pas justifiĂ©s Ă©tant donnĂ© la situation problĂ©matique en ÉrythrĂ©e et l’incertitude des informations. Le ComitĂ© contre la torture de l’ONU a stoppĂ© plusieurs cas de renvois ordonnĂ©s par la Suisse vers l’ÉrythrĂ©e, les considĂ©rant contraires Ă  l’interdiction de non-refoulement (dĂ©cisions du CAT n°983/2020 du 9 mai 2023, n°887/2018 du 22 juillet 2022, n°914/2019 du 28 avril 2022, n°872/2018 du 28 avril 2022, n°916/2019 du 12 novembre 2021, n°900/2018 du 22 juillet 2021). La pratique suisse en matière d’asile et de renvoi vers l’ÉrythrĂ©e doit davantage tenir compte de la notion de protection. Les autoritĂ©s ne peuvent pas se fonder sur des prĂ©somptions ou des informations contradictoires ou divergentes au dĂ©triment de la sĂ©curitĂ© des personnes concernĂ©es. Une admission provisoire doit ĂŞtre accordĂ©e lorsqu’une persĂ©cution pertinente au regard du droit d’asile n’est pas reconnue ou ne peut ĂŞtre dĂ©finitivement Ă©valuĂ©e en raison de l’incertitude des informations.
  • Exception Ă  l'obligation d'obtenir un passeport : les personnes Ă©rythrĂ©ennes qui n'ont pas Ă©tĂ© reconnues comme personnes rĂ©fugiĂ©es en Suisse mais qui ont Ă©tĂ© admises Ă  titre provisoire ou qui ont reçu une rĂ©ponse nĂ©gative avec renvoi et qui ne possèdent pas de passeport doivent en demander un au consulat gĂ©nĂ©ral d'ÉrythrĂ©e pour obtenir certaines autorisations ou un changement d'Ă©tat civil. Les autoritĂ©s suisses compĂ©tentes ne doivent pas exiger des personnes Ă©rythrĂ©ennes qu'elles s'adressent au consulat Ă©rythrĂ©en Ă  Genève pour l'obtention d'un passeport en vue d'une autorisation pour cas de rigueur, d'un regroupement familial, d'un mariage ou d'autres changements d'Ă©tat civil, et qu'elles y signent une dĂ©claration de repentir et paient la taxe de la diaspora. En lieu et place, un passeport pour Ă©trangers doit leur ĂŞtre dĂ©livrĂ©.
  • DĂ©veloppement des possibilitĂ©s de rĂ©gularisation : les rapatriements forcĂ©s vers l’ÉrythrĂ©e ne sont pas exĂ©cutables, pourtant, la Suisse a durci sa pratique en matière de renvoi. De plus en plus d’ÉrythrĂ©ennes et d’ÉrythrĂ©ens doivent donc demander l’aide d’urgence et vivre dans une situation particulièrement prĂ©caire. Les possibilitĂ©s de rĂ©gularisation du sĂ©jour des personnes qui ne peuvent pas retourner avant longtemps dans leur pays d’origine doivent ĂŞtre dĂ©veloppĂ©es.

Symposium sur l’asile

Société civile et protection des personnes réfugiées : dans quelle mesure cet énorme potentiel peut-il être mis à profit, même en dehors des crises majeures ? Prenez part à la discussion.

Zwei Frauen arbeiten gemeinsam im Garten
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