Les femmes dans la procédure d’asile

Les femmes dans la procédure d'asile

De nombreuses femmes fuient leur pays parce qu’elles sont exposées à des actes de violence en raison de leur genre. En Suisse, les motifs d’exil spécifiques aux femmes sont inscrits dans la loi sur l’asile et peuvent être décisifs dans l’examen de leur demande d’asile. Dans la pratique, cependant, les femmes concernées ne bénéficient que rarement d’une protection durable.

Vulnérabilité

Le viol et le harcèlement sexuel, le mariage ou la prostitution forcé-e, les mutilations génitales ou encore les législations discriminatoires à l’égard des femmes sont tout autant de motifs d’exil sexospécifiques.

Dans de nombreux pays, l’État estime qu’il n’est pas responsable de ces violences à leur égard; les victimes ne bénéficient ainsi d’aucune protection dans la loi, les actes de leurs agresseurs ne sont pas reconnus par le code pénal et ne peuvent donc être poursuivis. La seule issue est de chercher une protection ailleurs. Selon le HCR, la moitié des 79 millions de personnes qui cherchent protection à travers le monde sont des femmes et des enfants. En Suisse, les femmes requérantes d’asile représentent près du quart des demandes d’asile (chiffres pour l'année 2020, voir tableau 7-20).

Pratique des autorités suisses

Pour déterminer si une femme peut recevoir l’asile ou une admission provisoire, les autorités suisses peuvent s’appuyer sur le Manuel asile et retour, qui est l’outil de travail destiné aux employé-e-s du Secrétariat d’État aux migrations. L’application du Manuel reste toutefois problématique à l’égard des femmes requérantes d’asile sur plusieurs plans.

Lacunes dans le choix des personnes présentes durant l’audition

En cas d’indices concrets de persécution de nature sexuelle, la possibilité de mener l’audition par une équipe féminine doit être donnée d’office. Les autorités ne respectent toutefois pas toujours cette obligation.

Ecueil de la vraisemblance

De manière générale, lors de son audition sur les motifs d’exil, il est difficile pour une femme requérante d’asile d’apporter des preuves suffisantes sur la persécution, ainsi que sur l'absence de protection dans son pays d’origine.Les actes de persécutions ont en effet généralement lieu dans la sphère privée et domestique. Lorsqu’une femme décide d’en parler à l'extérieur (ou de porter plainte), les agents de la sécurité publique refusent de se mêler « aux affaires de famille » et donc de les soutenir.  

Allégations tardives

Il arrive que la déclaration tardive d’une violence de genre subie, tel qu’un viol, soit rejetée comme non crédible par les autorités. Il est cependant scientifiquement établi que les personnes traumatisées ne peuvent parler spontanément de manière complète et exempte de contradictions de leur vécu et ont même tendance à éviter toute pensée, sentiment ou conversation se rapportant aux événements à l'origine de leur traumatisme.

Violences propres aux femmes

La pratique du SEM n'est pas toujours conforme aux directives internationales lorsqu'il s'agit de vérifier la pertinence de certaines formes de violence pour l'asile, ou leur intensité, ou l'existence d'une protection adéquate de l'État. Par exemple, le viol d'une femme kurde par les autorités turques n'est pas nécessairement une violence sexuelle aléatoire comme cela pourrait se produire en Suisse. Il s’agit plutôt d’une forme de violence contre une femme qui représente également un certain groupe ethnique ou religieux. Or, si ce contexte politique ou religieux n'est pas reconnu par les autorités suisses, la violence subie ne sera pas reconnue comme pertinente pour obtenir l'asile.

Hébergement 

Actuellement, les centres fédéraux pour requérants d’asile (CFA) – là où sont hébergés les personnes requérantes d’asile pendant toute la durée de leur procédure - ne sont pas encore tous équipés de dortoirs verrouillables pour les femmes. De plus, ils n’appliquent pas tous les prescriptions relatives à des éléments pare-vue appropriés dans les douches et à l’accès sans entrave à des toilettes séparées pour les deux sexes. Pour protéger les femmes contre la violence sexuelle à l’intérieur des CFA et la prévenir, il convient de tenir compte de ces éléments.

Nous nous engageons pour

  • Le respect impératif des prescriptions en matière d’hébergement sensible à la dimension de genre. Dans nos standards minimaux pour l’hébergement des personnes requérantes d’asile, nous recommandons des mesures particulières pour la protection des femmes. Ces mesures doivent être appliquées dans les centres pour requérants d’asile ainsi que dans les structures d’hébergement cantonales.
  • Une coordination de tous les acteurs dans les centres fédéraux pour requérants d’asile en matière de prévention de la violence contre les femmes et les filles et la protection des éventuelles victimes. Cela requiert en outre une plus forte implication de la protection juridique et une présence permanente du personnel de sécurité féminin.
  • La reconnaissance du rôle politique et social des femmes dans leur société d'origine afin de tenir compte de la valeur souvent politico-religieuse ou discriminatoire de la violence qui leur est faite.
  • Une utilisation plus souple et plus large de la notion d’« appartenance à un groupe social déterminé» comme motif d’asile pour les femmes.
  • L’application d’une pratique conforme aux directives du HCR.