Par Karin Mathys, rĂ©dactrice Ă lâOSAR
Nazriet Yosief est arrivĂ©e en Suisse Ă lâĂąge de 19 ans, Ă travers le regroupement familial. Elle ne parlait pas un mot de français. Si elle maĂźtrise aujourdâhui cette langue avec aisance, elle le doit surtout Ă sa dĂ©termination et Ă son esprit pragmatique. TrĂšs vite, elle sâest fixĂ©e des rĂšgles strictes et les a respectĂ©es avec discipline. «Je voulais apprendre le français et progresser rapidement. Comme mon mari est arrivĂ© en Suisse avant moi, et se dĂ©brouillait dĂ©jĂ bien, je lui ai demandĂ© de me parler uniquement dans cette langue Ă la maison.»
A la recherche dâune place dâapprentissage
En mars 2014, Nazriet Yosief met au monde une petite fille. Elle nâabandonne nĂ©anmoins pas lâidĂ©e de trouver une place dâapprentissage. Bien au contraire. Tout ce quâelle entreprendra par la suite, elle le fera pour assurer un bel avenir Ă son enfant. Seulement, pour se consacrer pleinement Ă une formation, elle doit dâabord lui trouver une place de crĂšche. «Sans cela, il mâaurait Ă©tĂ© impossible de suivre une formation Ă plein temps», explique-t-elle.
Une fois sa fille placĂ©e en garderie, la jeune mĂšre travaille trois mois comme bĂ©nĂ©vole chez Caritas dans le domaine de la vente. En parallĂšle, les employĂ©-e-s de Caritas la soutiennent dans son parcours professionnel: «Ils me montraient oĂč se trouvaient les sites internet dâannonces dâemplois, me corrigeaient mon CV et mes lettres de motivation. Ils mâont aussi prĂ©parĂ©e Ă passer des entretiens dâembauche: comment me mettre en valeur devant un employeur, montrer ma motivation et mon intĂ©rĂȘt pour le poste, etc.»
Outre cet appui, Nazriet Yosief a toujours pu compter sur le soutien de son mari. «Il a toujours Ă©tĂ© lĂ pour moi, mĂȘme lorsque je perdais patience. Il me disait que je finirai par trouver quelque chose et comparait souvent ma situation Ă celle dâune course cycliste. <Câest en pĂ©dalant quâon finit par franchir la ligne dâarrivĂ©eË, rĂ©pĂ©tait-il pour mâencourager.»
Et pour preuve: aprĂšs avoir envoyĂ© une cinquantaine de dossiers de candidature, la jeune femme reçoit une rĂ©ponse positive. En fĂ©vrier 2016, elle entreprend ainsi un stage de dĂ©couverte dans le domaine de la vente. Cette expĂ©rience dâune semaine dans une station-service lui donne un avant-goĂ»t du mĂ©tier et lui permet de savoir si elle souhaite ou non poursuivre dans cette voie. A la fin du stage, elle est Ă©valuĂ©e par son employeur, qui se dit satisfait de son travail. Il prolongera dâabord son stage de deux semaines, pour finalement lui proposer une place dâapprentissage.
Obtention du diplĂŽme
Durant trois ans, la jeune Ă©rythrĂ©enne jongle entre la formation pratique dans la station-service et la formation thĂ©orique Ă lâĂ©cole professionnelle. A chaque examen, elle confie devoir fournir un double travail: «Je devais dâabord me consacrer Ă traduire les textes et les questions en français, qui ne ressemble en rien Ă ma langue maternelle, le tigrigna, puis prendre le temps dây rĂ©pondre. Il sâagissait souvent de termes techniques que je nâavais jamais entendus auparavant.»
Sa persĂ©vĂ©rance, sa maturitĂ© et une bonne organisation entre vie professionnelle et privĂ©e lâamĂšneront Ă obtenir en juillet 2019 son certificat fĂ©dĂ©ral de capacitĂ© de gestionnaire du commerce de dĂ©tail. «Durant ma formation, jâincarnais trois rĂŽles: la mĂšre, la femme et lâĂ©tudiante. Ce nâĂ©tait pas facile de concilier tout cela Ă la fois, mais jây suis parvenue. Si jâai rĂ©ussi Ă en arriver lĂ aujourdâhui, câest que tout le monde peut le faire», dit-elle avec enthousiasme.
Quand on lui demande quels sont ses projets dâavenir, la jeune femme rĂ©pond avoir entamĂ© en aoĂ»t un nouvel apprentissage dâemployĂ©e de commerce Ă la commune de Renens, dans le canton de Vaud. Elle se rĂ©jouit dĂ©sormais de contribuer bientĂŽt Ă la vie Ă©conomique du pays qui lâa accueilli, et peut-ĂȘtre, plus tard, de passer le brevet fĂ©dĂ©ral. Elle tient surtout Ă passer du temps avec sa fille et son mari, les deux moteurs essentiels Ă sa vie.