L'UE étend son système de surveillance

09 janvier 2020

Des millions de données personnelles sensibles en un seul clic. Le projet qui s’est pendant longtemps heurté à la protection européenne des données a fini par voir le jour: en reliant ses systèmes informatiques à grande échelle, l’UE a créé une nouvelle et immense base de données pour l’espace Schengen. Soutenu par la Suisse, le projet d’un milliard d’euros a pour but d’apporter davantage de contrôle et de sécurité. Or, il menace les droits fondamentaux des ressortissant-e-s de pays tiers.

Depuis 2016, l’UE s’emploie à plein régime à mettre en place des frontières intelligentes (smart borders) et à développer et étendre ses bases de données pour l’application de la loi et le contrôle des migrations. En ce sens, la volonté commune d’agir des Etats membres de Schengen n’a d’égal que le manque de solidarité dont ils font preuve en matière de politique d’asile et de migration. L’UE fait feu de tout bois pour créer les bases juridiques nécessaires dans la législation européenne et la Suisse suit désormais pas à pas ces développements Schengen.

Une connexion systématique

Au cĹ“ur de ce projet se trouvent les deux règlements europĂ©ens2019/817 et 2019/818, passĂ©s presque inaperçus jusqu’à prĂ©sent, bien qu’ils soient controversĂ©s. Le processus de consultation sur sa mise en Ĺ“uvre en Suisse s’est achevĂ© dĂ©but janvier 2020. Sous le titre technique «interopĂ©rabilité», les deux règlements de l’UE crĂ©ent le cadre juridique nĂ©cessaire Ă  une connexion systĂ©matique de toutes les bases de donnĂ©es de l’UE dans les domaines des frontières, de la police et de la justice. L’objectif est de permettre un Ă©change rapide d’informations entre les systèmes informatiques Ă  grande Ă©chelle existants et futurs de l’UE, qui auparavant n’étaient accessibles que sĂ©parĂ©ment pour des raisons de protection des donnĂ©es. Les autoritĂ©s chargĂ©es du contrĂ´le des frontières, des migrations et de l’application des lois, ainsi que les services de renseignement, jouissent ainsi d’un accès Ă  des donnĂ©es complètes et sensibles Ă  des fins de contrĂ´le des personnes. Il est notamment prĂ©vu la crĂ©ation d’une nouvelle base de donnĂ©es centrale rassemblant des informations sur des millions de ressortissants de pays tiers, y compris leurs donnĂ©es biomĂ©triques.

Des risques considérables

Dans sa rĂ©ponse Ă  la consultation, l’Organisation suisse d’aide aux rĂ©fugiĂ©s (OSAR) exprime un soutien de principe Ă  l’adoption et Ă  la mise en Ĺ“uvre des deux règlements de l’UE, rappelant que la participation de la Suisse Ă  Schengen ne saurait ĂŞtre mise en pĂ©ril. Toutefois, elle se montre critique Ă  l’égard de l’interopĂ©rabilitĂ© prĂ©vue, d’autant plus qu’elle comporte des risques et engendre des problèmes considĂ©rables du point de vue des droits fondamentaux. L’accent mis par le projet sur la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure – et par lĂ  mĂŞme sur les ressortissant-e-s de pays tiers – est particulièrement problĂ©matique: pour justifier la collecte et le stockage d’un nombre toujours plus important de donnĂ©es sur les ressortissants de pays tiers, l’UE Ă©met l’hypothèse d’un danger particulier, induisant une inĂ©galitĂ© de traitement et une discrimination. Parallèlement, les nouvelles règles d’interopĂ©rabilitĂ© portent atteinte Ă  l’un des principes clĂ©s de la protection des donnĂ©es: le principe de limitation de la finalitĂ©. En effet, reliĂ©es entre elles, les bases de donnĂ©es de l’UE servent dĂ©sormais Ă  de nouvelles fins pour lesquelles elles n’ont pas Ă©tĂ© créées. Il est Ă©galement problĂ©matique de faciliter l’accès des services chargĂ©s de l’application de la loi aux donnĂ©es dĂ©tenues par d’autres autoritĂ©s.

Des améliorations nécessaires

Du point de vue de l’OSAR, il convient de se demander si la Suisse entend participer intégralement à la création et à l’extension des systèmes d’information de l’UE selon le projet de consultation, et ce sans prévoir presque aucune précaution équivalente en matière de protection des données. Cela est d’autant plus problématique que les systèmes de données complexes de l’UE et leur interopérabilité ont un impact énorme sur les droits fondamentaux des personnes physiques et que les données utilisées dans le contexte de la législation sur les migrations nécessitent tout particulièrement protection. En ce sens, l’OSAR demande des améliorations et des clarifications dans la transposition nationale, en particulier afin de respecter le principe de proportionnalité, de tenir suffisamment compte de la protection de la vie privée des personnes concernées et d’éviter toute discrimination.

Aidez les personnes réfugiées

Faire un don