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Lampedusa : l’île d’espoir et de désespoir pour les personnes en quête de protection

05 juin 2024

D’Afrique subsaharienne, d’Egypte, d’Erythrée, du Soudan et même du Bangladesh, chaque année, des milliers de personnes en quête de protection arrivent en Europe via la Mer Méditerranée. Leur premier point d’ancrage est souvent l’île italienne de Lampedusa. Quelle est la situation sur l’île ? Est-elle à l’image du système d’asile italien, dont les manquements sont régulièrement dénoncés dans des rapports de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) ? Découvrez-le ci-dessous, notamment grâce aux informations de l’organisation Maldusa.

Par Virginie Jaquet, rédactrice à l’OSAR

Il ne se passe pratiquement pas une semaine sans que les médias relatent les tragiques naufrages en mer Méditerranée des bateaux surchargés de migrant·e·s venant de Libye ou de Tunisie. Ils rapportent aussi souvent la situation critique sur l’île de Lampedusa. En 2022, selon les statistiques de l’Union européenne (UE), plus de 870 000 demandes d’asile avaient été déposées dans l’un des Etats membres de l’UE, dont près de 78 000 en Italie. En 2023, ce nombre devrait être bien supérieur et se rapprocher du nombre record des années 2015-2016. C’est notamment, dans ce contexte que Lampedusa a dû faire face à des arrivées massives de personnes migrantes l’année dernière. Selon une dépêche de l’agence Reuters publiée en septembre 2023, plus de 118 000 personnes migrantes avaient atteint les côtes italiennes depuis le début d’année, soit le double que pour la même période de l’année précédente. Dans cette même dépêche, le chef de la police locale de Lampedusa déclare qu’en septembre 2023, quelque 2800 personnes migrantes sont présentes au centre d’accueil de l’île, qui a officiellement une capacité de 400 personnes, à cela s’ajoute 300 personnes migrantes dans d’autres parties de l’île.

Un premier refuge qui ne laisse que peu de liberté

Après avoir traversé la Méditerranée, les personnes en quête de protection débarquant à Lampedusa et se retrouvent dans un centre d’accueil, de triage, aussi nommé hotspot center. Ce centre est actuellement géré par la Croix-Rouge italienne, explique Felice Rosa, coordinateur à la station Lampedusa de l’association Maldusa, interrogé par l’OSAR. Maldusa est une association active à Lampedusa, mais également à Palerme en Sicile. Elle s’engage pour la liberté de mouvements et pour renforcer la solidarité envers les personnes migrantes (cf. ci-dessous). Felice Rosa précise que depuis la reprise de la gestion du hotspot center par la Croix-Rouge italienne, les personnes en quête de protection ne restent en règle générale que quelques jours dans le centre, puis sont transférées dans d’autres centres du pays.

Toutefois, la situation dans ce premier refuge sur le sol europĂ©en est loin d’être facile. Felice Rosa dĂ©nonce l’un des problèmes actuels : « Le hotspot center de Lampedusa s’est transformĂ© en un centre fermĂ©. Il est gardĂ© par des soldats 24h sur 24 Â». C’est l’un des dĂ©veloppements les plus nĂ©gatifs concernant l’accueil des personnes en quĂŞte de protection sur l’île ces derniers annĂ©es. Il ajoute que les personnes se trouvant dans le centre n’ont aucune possibilitĂ© de sortir. « Parfois, les personnes passent plus de 48 heures dans le centre, dans ce qui est une dĂ©tention de facto, sans possibilitĂ© de bĂ©nĂ©ficier d'un soutien juridique alternatif Â», dĂ©clare-t-il.

Ombre au tableau, la situation des enfants en quĂŞte de protection

Les personnes vulnĂ©rables devraient ĂŞtre transfĂ©ré·e·s dans des centres spĂ©ciaux, après leur arrivĂ©e Ă  Lampedusa, mais les places y sont limitĂ©es. Le système d’asile italien manque en effet d’infrastructure et de moyens. L’OSAR a soulignĂ© ces manquements dans plusieurs rapports et communications publiĂ©s sur son site web. La situation du système d’asile italien risque de se dĂ©grader Ă  l’avenir. En effet, prĂ©sidente du Conseil des ministres d’Italie depuis octobre 2022, la politicienne d’extrĂŞme-droite Giorgia Meloni ne s’est pas prononcĂ©e en faveur d’une amĂ©lioration de la prise en charge des personnes en quĂŞte de protection en Italie. En novembre 2023, elle a mĂŞme dĂ©clarĂ© vouloir dĂ©localiser les procĂ©dures d’asile vers l’Albanie.

Un autre exemple des lacunes du système d’asile italien est que les enfants qui sont des personnes vulnĂ©rables, ne peuvent ĂŞtre correctement pris·e·s en charge. « L'Ă©tĂ© dernier, près de 400 personnes mineures sont restĂ©es dans le hotspot center de Lampedusa, et cela pendant des mois Â», dĂ©nonce Felice Rosa.

Les personnes en quête de protection peuvent-elles s’attendre à un avenir meilleur ?

L’avenir des personnes en quête de protection qui arrivent à Lampedusa risque de rester difficile. Toiut comme l’engagement d’organisations, notamment non-gouvernementales, le travail d’organisations comme Maldusa qui cherche notamment à renforcer la solidarité envers les personnes migrantes restera essentiel sur l’île en 2024. Elle poursuivra aussi son activité de rapport sur le fonctionnement et la situation du hotspot center de Lampedusa et continuera à soutenir les personnes venant juste d’arriver sur l’île en leur partageant des informations et des ressources.

L’association Maldusa

Le nom de Maldusa provient d'un appel reçu par Alarmephone durant lequel les personnes Ă  bord du bateau disaient que leur destination Ă©tait Maldusa. Lorsque la personne au tĂ©lĂ©phone a demandĂ© s'il s'agissait de Malte ou de Lampedusa, la personne qui appelait a confirmĂ© qu'il ne s'agissait ni de l'un ni de l'autre, mais de Maldusa. L’organisation est Ă©galement prĂ©sente Ă  Palerme, en Sicile.

Pour Maldusa, les priorités des organisations actives dans le domaine de la migration devraient être constamment remises en question. L'objectif devrait être de créer des espaces de solidarité et d'action commune, construits horizontalement et par tous et toutes.

Plus d’informations sur son site web.