Le Conseil fédéral recommande au Parlement d'adopter le projet de loi sur le contrôle des supports de données mobiles dans la procédure d'asile. Le projet de loi se fonde sur une initiative parlementaire qui propose de permettre aux autorités suisses d’accéder systématiquement aux smartphones, tablettes, ordinateurs portables et autres supports de données des personnes requérantes d'asile dans le but d’établir leur identité et leur nationalité. L’OSAR rejette ce projet de loi, qui constitue une ingérence disproportionnée dans la vie privée des personnes requérantes d'asile. Dans son avis, le Conseil fédéral reprend pour l'essentiel l'argumentation de la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N), qui a élaboré le projet de loi.
La consultation des supports de données personnelles constitue une atteinte grave au droit à la vie privée des personnes en quête de protection. Le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) s’est dit profondément préoccupé et a émis des doutes quant à la pertinence de telles mesures pour obtenir l'effet souhaité. Le Conseil fédéral reconnaît lui aussi que le contrôle des données représente une atteinte grave aux droits fondamentaux et souligne que, dans le respect du principe de proportionnalité, il importe de ne pas prévoir d’analyse systématique des supports électroniques de données. Or, l’OSAR estime que les dispositions en matière de proportionnalité, telles que formulées dans le projet, ne suffisent pas à garantir que les supports de données ne feront pas l’objet d’une analyse systématique dans la pratique.
Efficacité douteuse
L’analyse systématique des supports de données électroniques implique des coûts très élevés, qui sont disproportionnés au regard des avantages limités. Le Conseil fédéral reconnaît ainsi que l'efficacité et la pertinence de l'analyse des supports électroniques de données des personnes requérantes d'asile ne peuvent pas encore être évaluées de manière définitive. S’il partage donc les préoccupations du PFPDT en matière de proportionnalité, le Conseil fédéral ne semble pour autant pas leur accorder le sérieux nécessaire. Il se fonde d’ailleurs sur l’expérience menée durant le projet pilote, qui, de l'avis de l’OSAR, n'a pas permis de démontrer l’existence d’avantages pertinents par rapport à la gravité de l’atteinte et aux coûts encourus. En outre, le projet pilote a également permis de prouver que des limitations en matière d’analyse des données ne constituent aucune garantie solide. En effet, alors qu’il n’existait aucun mandat en ce sens dans le cadre du projet, les données relatives à l'itinéraire de la personne requérante d’asile ont fait l’objet d’une analyse systématique. En outre, l’OSAR est d’avis que la proposition de présenter un rapport après trois ans de mise en vigueur ne suffit pas à justifier le projet. Compte tenu de la gravité de l'atteinte aux droits fondamentaux, il est inacceptable de soumettre les personnes requérantes d'asile à titre expérimental à de telles mesures, tant que la proportionnalité n'est pas établie de manière incontestable dès le départ.
Les personnes requérantes d'asile sont déjà soumises à l'obligation légale de collaborer à la procédure d’asile. Elles ont également la possibilité de présenter sur une base volontaire les données de leur téléphone portable et de leur ordinateur : des photos ou leur correspondance documentant leur exil, par exemple. En outre, le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) procède déjà à des analyses sur des données plus accessibles, telles que les profils publics sur les réseaux sociaux. Ces informations sont tout à fait suffisantes et n’entament en rien le droit à la vie privée.
Le projet de loi doit maintenant retourner à la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N), puis au Conseil national. L’OSAR recommande à la CIP-N et au Conseil national de ne pas entrer en matière.
Eliane Engeler
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