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Le durcissement de la jurisprudence sur la Grèce risque de mettre des familles à la rue

Par un arrêt publié ce jour, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a durci sa jurisprudence en matière de renvoi vers la Grèce de familles disposant d’un statut de protection. Bien qu’il reconnaisse les conditions difficiles sur place, le Tribunal ne considère pas que le risque qu’une famille se retrouve à la rue après son retour soit un obstacle au renvoi. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) dénonce cet arrêt et appelle à renoncer au renvoi vers la Grèce de familles et de personnes vulnérables.

La majorité des transferts Dublin vers la Grèce sont suspendus depuis de nombreuses années déjà, en raison des défaillances systémiques du système d’asile sur place. Toutefois, certaines personnes au bénéfice d’un statut de protection continuent d’être renvoyées, avec l’aval de la justice, en application de l’accord bilatéral de réadmission. Mais un arrêt du Tribunal administratif fédéral de mars 2022 excluaient jusqu’alors les familles avec enfants.

Dans leur cas, un renvoi en Grèce n’était considĂ©rĂ© comme raisonnablement exigible qu’en prĂ©sence de conditions favorables. Cependant, le TAF durcit sa jurisprudence par l’arrĂŞt de rĂ©fĂ©rence du 11 septembre 2025 publiĂ© aujourd’hui. Il conclut que les familles doivent entreprendre des efforts en Grèce pour amĂ©liorer leur situation et que l’invocation des conditions difficiles d’accueil et de vie sur place ne suffit pas Ă  rendre l’exĂ©cution du renvoi illicite ou inexigible.

L’hĂ©bergement, problème n° 1

L’OSAR dĂ©nonce cet arrĂŞt. Elle souligne que les personnes au bĂ©nĂ©fice d’un statut de protection en Grèce ne reçoivent pratiquement aucun soutien de l’État. Comme Pro Asyl et Refugee Support Aegean (RSA) l’expliquent dans leurs rapports annuels, l’accès aux prestations pose de gros problèmes. La situation est particulièrement prĂ©caire dans le domaine de l’hĂ©bergement, car les personnes concernĂ©es se retrouvent livrĂ©es Ă  elles-mĂŞmes 30 jours après avoir obtenu leur statut de protection. Les grandes villes, surtout, sont touchĂ©es par une grave pĂ©nurie de logements, les loyers sont hors de prix pour les personnes rĂ©fugiĂ©es et les obstacles administratifs immenses. Les foyers pour personnes sans abri sont saturĂ©s. Et mĂŞme si les bĂ©nĂ©ficiaires d’un statut de protection pouvaient y avoir accès, ils n’offriraient qu’une solution temporaire et peu adaptĂ©e aux enfants.

Le TAF confirme aussi que les difficultés d’accès à un logement adéquat, en particulier pour les enfants et les familles, restent au premier plan pour les personnes au bénéfice d’une protection en Grèce. Pourtant, il n’estime pas que la forte probabilité qu’une famille se retrouve à la rue après son retour puisse être considéré comme un obstacle au renvoi. Il s’agit pour l’OSAR d’une décision inconcevable, d’autant qu’elle implique des personnes mineures.

Non au renvoi de familles et de personnes vulnérables

L’OSAR a dĂ©jĂ  maintes fois reprochĂ© au Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral d’évoquer, dans ses arrĂŞts, la possibilitĂ© d’obtenir un soutien auprès des organisations non gouvernementales (ONG) sur place quand l’État manque Ă  l’appel. Depuis quelques annĂ©es, l’État grec restreint sĂ©vèrement le travail des ONG locales, contraintes de composer avec des coupes budgĂ©taires et de travailler Ă  la limite de leurs capacitĂ©s. Dans une lettre de juillet 2025 adressĂ©e Ă  l’OSAR, et dont le Tribunal a pris connaissance, 14 ONG grecques actives dans le domaine de l’asile ont fait part de leurs inquiĂ©tudes Ă  l’égard de cette pratique du TAF et soulignĂ© leurs ressources limitĂ©es.

L’OSAR déconseille les transferts vers la Grèce tant de personnes requérantes d’asile que de personnes au bénéfice d’une protection. Au vu de la situation précaire dans le pays, l’OSAR appelle à renoncer de manière générale aux renvois de familles et de personnes vulnérables. Elle continuera d’observer et de documenter la situation des personnes concernées aux côtés de RSA.