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Le stress, source de motivation

26 novembre 2025

Mohammad Shah Abbasi vit en Suisse depuis dix ans, une période que l’aide en technique du bâtiment a dû presque entièrement traverser sans droit de séjour sûr. Une histoire de persévérance.

Interview : Barbara Graf Mousa, rĂ©dactrice Ă  l’OSAR

La vie de Mohammad Shah Abbasi, comme celle de beaucoup d’autres jeunes Hazaras, Ă©tait en danger en Afghanistan. Il vivait avec sa famille Ă  Tamaki, un village de la province de Ghazni, district de Qarabagh, dans l’est du pays. Dans cette rĂ©gion, les talibans et d’autres groupes fondamentalistes exposaient en permanence la population civile hazara aux menaces, Ă  la terreur et aux massacres. Mohammad a fini par s’exiler en Suisse en passant par l’Iran et par la route des Balkans. Fin 2015, il a dĂ©posĂ© une demande d’asile au centre d’accueil de Kreuzlingen. Ă€ l’époque, beaucoup de personnes rĂ©fugiĂ©es d’ÉrythrĂ©e, de Syrie et d’Irak cherchaient aussi une protection en Suisse. Environ 39 500 personnes au total ont demandĂ© l’asile en 2015, soit 15 758 de plus qu’en 2014. Le nombre de demandes en suspens a augmentĂ©. Mohammad Shah Abbasi a dĂ» essayer d’avancer, sans dĂ©cision d’asile, avec le permis N, jusqu’en 2018. 

Des activités bienvenues

ArrivĂ© dans l’Oberland bernois, le jeune homme de 20 ans Ă  l’époque a d’abord Ă©tĂ© hĂ©bergĂ© Ă  Aeschiried, sur les hauteurs de Spiez, avec 100 autres personnes requĂ©rantes d’asile. Il explique ne pas avoir vraiment souffert de l’hiver, car il avait connu la neige et le froid dans son village natal. « Mais cohabiter Ă  l’étroit avec autant de personnes n’a pas Ă©tĂ© simple. Â» Si la vie en hĂ©bergement collectif offre de la compagnie, est riche en apprentissages sur les parcours des autres et permet aussi de passer de bons moments, l’ambiance est souvent agitĂ©e et tendue. 

Mohammad a ensuite Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© dans un logement Ă  Rubigen, qu’il a parfois dĂ» partager avec 130 personnes. Et l’attente de sa dĂ©cision d’asile l’angoissait beaucoup. « C’était une pĂ©riode difficile. J’avais parfois peur d’être renvoyĂ©. Â» Il a trouvĂ© du rĂ©pit auprès d’un point de rencontre de la commune, oĂą il a rapidement nouĂ© des contacts avec des Suissesses et des Suisses. « Nous avons jouĂ© au Memory, au foot. On faisait du jogging, on cuisinait ensemble. Et on se rendait visite. C’étaient des activitĂ©s bienvenues, et ces nouvelles rencontres m’ont fait du bien Â», se rappelle-t-il.

Le début de la formation

Quand Mohammad Shah Abbasi a obtenu le permis F en 2018, il n’a pas tout de compris ce que cela signifiait concrètement. Une admission provisoire est une dĂ©cision d’asile nĂ©gative avec report du renvoi dans le pays d’origine jusqu’à ce que ce renvoi soit exigible, lĂ©gal ou possible. « J’étais surtout content de recevoir une dĂ©cision après tout ce temps Â», se souvient-il. « Je me suis alors concentrĂ© sur les possibilitĂ©s de formation en me disant : continue, pousse toutes les portes qui se prĂ©sentent. Â» 

Il a pu louer un logement avec quatre collègues grâce Ă  la caution d’une Suissesse, s’est inscrit Ă  des cours de langue et a commencĂ© l’école professionnelle. Quand sa professeure lui a demandĂ© quel Ă©tait son mĂ©tier idĂ©al, « je lui ai rĂ©pondu que je n’en avais pas, que tout m’intĂ©ressait Â», se souvient-il en riant. Il s’est essayĂ© au jardinage, aux travaux de voirie, Ă  la ferblanterie, Ă  la mĂ©canique automobile et Ă  la peinture en carrosserie, pour finalement jeter son dĂ©volu sur le domaine sanitaire. Il a obtenu une place d’apprenti et effectuĂ© une AFP d’aide en technique du bâtiment pendant deux ans. « C’est un travail variĂ© et intĂ©ressant, nous sommes souvent Ă  l’extĂ©rieur sur des chantiers Â», raconte-t-il. « J’étais bien sĂ»r ravi de recevoir un contrat d’apprentissage malgrĂ© l’admission provisoire. C’était très stressant au dĂ©but, mais j’ai appris que le stress pouvait aussi ĂŞtre motivant. Â» 

Chez lui en Suisse

Sociable et ouvert, Mohammad Shah Abbasi s’est laissĂ© convaincre par un collègue de rejoindre le Junge BĂĽhne Bern, une offre de troupes de théâtre pour toutes les personnes de moins de 26 ans sans expĂ©rience de la scène et gratuite pour les personnes rĂ©fugiĂ©es disposant du permis N, F ou S. « J’ai adorĂ© et mon allemand s’est rapidement amĂ©liorĂ©. Je le conseille vivement, y compris pour les rencontres. Â» Le trentenaire raconte ĂŞtre invitĂ© chaque annĂ©e Ă  une reprĂ©sentation. Mais Mohammad Shah Abbasi n’a plus le temps de faire du théâtre. Il a un poste fixe Ă  temps plein et vit dans son propre appartement dans le Mittelland bernois. Sa demande pour cas de rigueur a Ă©tĂ© acceptĂ©e il y a cinq mois. Après presque dix ans, il a donc obtenu un droit de sĂ©jour avec le permis B. « Je me dis parfois que j’ai rĂ©ellement grandi ici, car j’ai passĂ© les annĂ©es les plus importantes de ma vie en Suisse. C’est ici que je suis devenu adulte, que j’ai appris un mĂ©tier et trouvĂ© un travail, des amis, des collègues, que je suis chez moi. Â»


Pour en savoir plus sur l’Afghanistan : https://www.osar.ch/themes/informations-pays/pays-dorigine/afghanistan