Glisser dans l'incertitude juridique et l'instabilité de manière autodéterminée ?

16 septembre 2018

L’initiative «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l’autodétermination)» sera soumise au vote en novembre 2018. Une large alliance réunissant des groupes de défense des droits humains mais aussi des associations économiques lutte en commun contre l’initiative; L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) soutient cette alliance multiple de la société civile.

On a apparemment tirĂ© les leçons de ce qui n’a pas fonctionnĂ© lors de l’initiative contre l’immigration de masse il y a quatre ans. Cette fois, il faut aller directement et fermement au but: convaincre les votant-e-s de l’ineptie de l’initiative pour l’autodĂ©termination, pour qu’ils votent massivement pour le non le 25 novembre 2018. En effet, si l’association Ă©conomique Economiesuisse s’allie cette fois avec des groupes de dĂ©fense des droits humains en vue d’unir leurs forces, c’est que l’enjeu est de taille: de fait, l’initiative «Le droit suisse au lieu de juges Ă©trangers», qui s’inscrit dans le processus de dĂ©mantèlement continu des droits fondamentaux et des droits des minoritĂ©s, est extrĂŞmement dangereuse. Si les raisons qui motivent les nombreux opposants Ă  l’initiative sont très variĂ©es, ils souhaitent tous que la Suisse demeure un partenaire contractuel fiable au plan international. Le concept de politique extĂ©rieure qui fait de la Suisse un petit pays au cĹ“ur de l’Europe a fait ses preuves depuis la fondation de l’État fĂ©dĂ©ral. Entre temps, avec plus de 600 traitĂ©s et accords internationaux Ă  son actif, la Suisse a su s’attirer le respect et procurer sĂ©curitĂ© et prospĂ©ritĂ© sans avoir Ă  restreindre pour autant les règles du jeu de la dĂ©mocratie directe ni les droits fondamentaux.

Le véritable enjeu

Si l’initiative est acceptĂ©e par les votant-e-s, le droit constitutionnel suisse (droit national) aura Ă  l’avenir la primautĂ© sur les traitĂ©s internationaux (droit international). En cas de contradictions entre le droit national et le droit international, les traitĂ©s et accords internationaux concernĂ©s devront ĂŞtre renĂ©gociĂ©s ou dĂ©noncĂ©s. Cela concernerait par exemple la Convention europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH), la Convention de Genève relative au statut des rĂ©fugiĂ©s  (CSR), la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), la Convention contre la torture (CCT). Si la Suisse dĂ©nonçait la CEDH, non seulement les requĂ©rant-e-s d’asile, les personnes admises provisoirement et les rĂ©fugiĂ©-e-s mais aussi les Suissesses et les Suisses ne pourraient plus ĂŞtre protĂ©gĂ©s par un jugement de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH). La Convention europĂ©enne des droits de l’homme est une garantie indispensable, notamment pour la protection contre la torture, l’esclavage, le travail forcĂ© et la discrimination. Elle garantit les droits fondamentaux tels que le droit Ă  la vie, Ă  la libertĂ© d’expression, Ă  la libertĂ© de rĂ©union et d’association, le droit au mariage, le droit au respect de la vie privĂ©e et familiale, etc.

La position de l’OSAR

L’OSAR et ses organisations membres rejettent entièrement l’initiative. Celle-ci porte atteinte Ă  la protection des droits fondamentaux et entraĂ®ne une situation confuse. Les droits humains constituent le fondement incontournable de notre système juridique. La Suisse y a volontairement adhĂ©rĂ©; ces juges ne sont pas Ă©trangers. Ce qui, Ă  la limite, est peut-ĂŞtre encore Ă©tranger aux initiant-e-s, c’est que la Suisse est reprĂ©sentĂ©e Ă  la CEDH par une femme, la juge Helen Keller, pour neuf ans. De plus, six parlementaires suisses sìègent au Parlement europĂ©en, dont deux reprĂ©sentants du parti en question, qui assument la responsabilitĂ© de ce projet immature soumis au vote.
Dans son message du 5 juillet 2017 Ă  l’intention du Parlement, le Conseil fĂ©dĂ©ral a rejetĂ© le texte sans lui opposer de contre-projet. L’initiative affaiblit la Suisse sur le plan Ă©conomique et sur celui des idĂ©es. Elle porte atteinte Ă  la stabilitĂ© et la fiabilitĂ© de notre pays et nuit Ă  la sĂ©curitĂ© du droit et de la planification de tous les acteurs.

Par Barbara Graf Mousa, rédactrice de l’OSAR (traduit de l’allemand)

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