On a apparemment tiré les leçons de ce qui n’a pas fonctionné lors de l’initiative contre l’immigration de masse il y a quatre ans. Cette fois, il faut aller directement et fermement au but: convaincre les votant-e-s de l’ineptie de l’initiative pour l’autodétermination, pour qu’ils votent massivement pour le non le 25 novembre 2018. En effet, si l’association économique Economiesuisse s’allie cette fois avec des groupes de défense des droits humains en vue d’unir leurs forces, c’est que l’enjeu est de taille: de fait, l’initiative «Le droit suisse au lieu de juges étrangers», qui s’inscrit dans le processus de démantèlement continu des droits fondamentaux et des droits des minorités, est extrêmement dangereuse. Si les raisons qui motivent les nombreux opposants à l’initiative sont très variées, ils souhaitent tous que la Suisse demeure un partenaire contractuel fiable au plan international. Le concept de politique extérieure qui fait de la Suisse un petit pays au cœur de l’Europe a fait ses preuves depuis la fondation de l’État fédéral. Entre temps, avec plus de 600 traités et accords internationaux à son actif, la Suisse a su s’attirer le respect et procurer sécurité et prospérité sans avoir à restreindre pour autant les règles du jeu de la démocratie directe ni les droits fondamentaux.
Le véritable enjeu
Si l’initiative est acceptée par les votant-e-s, le droit constitutionnel suisse (droit national) aura à l’avenir la primauté sur les traités internationaux (droit international). En cas de contradictions entre le droit national et le droit international, les traités et accords internationaux concernés devront être renégociés ou dénoncés. Cela concernerait par exemple la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (CSR), la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), la Convention contre la torture (CCT). Si la Suisse dénonçait la CEDH, non seulement les requérant-e-s d’asile, les personnes admises provisoirement et les réfugié-e-s mais aussi les Suissesses et les Suisses ne pourraient plus être protégés par un jugement de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). La Convention européenne des droits de l’homme est une garantie indispensable, notamment pour la protection contre la torture, l’esclavage, le travail forcé et la discrimination. Elle garantit les droits fondamentaux tels que le droit à la vie, à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et d’association, le droit au mariage, le droit au respect de la vie privée et familiale, etc.
La position de l’OSAR
L’OSAR et ses organisations membres rejettent entièrement l’initiative. Celle-ci porte atteinte à la protection des droits fondamentaux et entraîne une situation confuse. Les droits humains constituent le fondement incontournable de notre système juridique. La Suisse y a volontairement adhéré; ces juges ne sont pas étrangers. Ce qui, à la limite, est peut-être encore étranger aux initiant-e-s, c’est que la Suisse est représentée à la CEDH par une femme, la juge Helen Keller, pour neuf ans. De plus, six parlementaires suisses sìègent au Parlement européen, dont deux représentants du parti en question, qui assument la responsabilité de ce projet immature soumis au vote.
Dans son message du 5 juillet 2017 à l’intention du Parlement, le Conseil fédéral a rejeté le texte sans lui opposer de contre-projet. L’initiative affaiblit la Suisse sur le plan économique et sur celui des idées. Elle porte atteinte à la stabilité et la fiabilité de notre pays et nuit à la sécurité du droit et de la planification de tous les acteurs.
Par Barbara Graf Mousa, rédactrice de l’OSAR (traduit de l’allemand)