Une formation sur mesure pour le travail quotidien avec des personnes traumatisées

11 septembre 2019

L’équipe de formation de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) organise des formations continues pour les entreprises employant des équipes multiculturelles. Dans le canton de Soleure, les dirigeantes et dirigeants de la coopérative VEBO suivent ainsi depuis deux ans une formation de l’OSAR taillée sur mesure sur la compétence transculturelle, la migration et le traumatisme.

Articles et photos de Barbara Graf Mousa, rédactrice à l’OSAR

AccompagnĂ© de sa chienne Djoubi, qui ne le lâche pas d’une semelle, Daniel Ziegler, directeur de la coopĂ©rative VEBO, ne se dĂ©part pas de son sourire au moment d’accueillir l’équipe de l’OSAR venue visiter son Ă©tablissement. Daniel Ziegler est l’incarnation mĂŞme des principes de VEBO: «sympathique, avenant, professionnel», il dirige depuis quinze ans les activitĂ©s de VEBO Solutions au siège de Zuchwil (SO). Alors que Djoubi s’étire sur le sol de la salle de rĂ©union, puis s’offre une sieste amplement mĂ©ritĂ©e, son maĂ®tre prĂ©sente le centre scolaire et de formation de VEBO, appelĂ©e l’UniversitĂ© VEBO. Cela fait maintenant deux ans que VEBO Solutions fait appel aux services de formation de l’OSAR, qui lui propose, en collaboration avec le psychothĂ©rapeute Naser Morina, des cours taillĂ©s sur mesure sur la compĂ©tence transculturelle et sur la migration et le traumatisme. RenĂ© Giovannone, chef montage/intĂ©gration, et Cornelia Ziegler, cheffe d’équipe, donnent Ă©galement de leur temps pour participer Ă  cet entretien aux cĂ´tĂ©s du directeur. Ils nous expliquent ce qu’ils retiennent de ces formations pour leur pratique professionnelle quotidienne.

Pour quelles raisons VEBO Solutions fait-elle appel aux services de formation de l’OSAR?

Daniel Ziegler, directeur de VEBO Solutions: «Nous accueillons de plus en plus de personnes traumatisĂ©es dans nos ateliers, et non seulement des personnes exilĂ©es ou issues de l’immigration. Afin d’être en mesure de proposer Ă©galement Ă  ces personnes les programmes d’intĂ©gration professionnelle soutenus financièrement par le canton et les communes, notre personnel d’encadrement a la possibilitĂ© de suivre une formation continue dans le domaine de la migration et du traumatisme. CĂ´toyer des personnes migrantes dans un contexte professionnel nĂ©cessite une connaissance approfondie de la situation juridique, des droits et obligations des personnes Ă©trangères ou rĂ©fugiĂ©es, de leurs pays d’origine ainsi que des possibilitĂ©s de coopĂ©ration. Le contenu de la formation aide Ă  briser les prĂ©jugĂ©s et donne aux participants la confiance nĂ©cessaire pour relever les dĂ©fis liĂ©s au multiculturalisme et pour interagir de manière adĂ©quate avec les personnes traumatisĂ©es. Nous sommes d’ailleurs la seule entreprise du canton de Soleure Ă  proposer des emplois aux personnes traumatisĂ©es. Â»

Cela veut dire que VEBO Solutions emploie aussi des personnes réfugiées?

Daniel Ziegler et RenĂ© Giovannone, chef montage/intĂ©gration: «Le canton a mandatĂ© VEBO Solutions en 2018 afin de mettre en Ĺ“uvre des programmes d’intĂ©gration professionnelle. Ces programmes sont ouverts aux personnes bĂ©nĂ©ficiant de l’aide sociale ordinaire ou de l’aide sociale pour requĂ©rants d’asile. Sur les 130 employĂ©s participant au programme, environ un tiers sont issus de l’immigration. Â»

La formation continue «Compétence transculturelle» que propose l’OSAR sur deux jours semble convenir à vos équipes. Pour quelles raisons?

Daniel Ziegler: «Le responsable formation de l’OSAR prĂ©sente une très grande compĂ©tence sociale, il a fait un excellent travail et a su inspirer nos Ă©quipes et notre personnel de direction. Les Ă©changes entre les participants au cours et les intervenants sont aussi intenses qu’enrichissants. Par ailleurs, le tĂ©moignage authentique d’une personne exilĂ©e qui a traversĂ© toutes ces Ă©preuves elle-mĂŞme laisse une forte impression. Â»

Cornelia Ziegler, cheffe d’équipe: «Les participantes et participants au cours se montrent intĂ©ressĂ©s et attentifs lorsque des personnes directement concernĂ©es apportent leur tĂ©moignage ou donnent des informations. La formation nous a permis Ă  toutes et tous d’en apprendre Ă©normĂ©ment. Par exemple, nous avons appris que les personnes requĂ©rantes d’asile ne peuvent que très rarement changer de canton, qu’elles sont confrontĂ©es Ă  de nombreuses restrictions pendant les procĂ©dures et qu’il leur est donc difficile de faire de nouveaux contacts ou de trouver un emploi. Â»

RenĂ© Giovannone: «Les participantes et participants apprĂ©cient vraiment les Ă©changes personnels. L’ambiance est dĂ©tendue et ils osent poser des questions et aborder leurs prĂ©occupations et leurs barrières. Cette formation leur donne davantage de confiance dans leurs relations avec leurs Ă©quipes multiculturelles. Â»

L’enseignement collaboratif OSAR/VEBO: de quoi s’agit-il exactement et quels en sont les avantages d’après vous?

Daniel Ziegler: «L’enseignement collaboratif commence avant le cours. Nous prĂ©parons ensemble la formation continue et transposons le contenu des cours d’une organisation nationale comme l’OSAR dans la culture et la langue de VEBO. Les besoins spĂ©cifiques de VEBO sont discutĂ©s en amont et sont incorporĂ©s sous forme d’exemples dans la formation continue. Cette passerelle entre thĂ©orie et pratique contribue grandement Ă  ce que les participantes et participants au cours puissent tirer le plus grand profit de la formation continue pour leur travail quotidien. Â»

L’OSAR combine pour vous le programme de la formation continue «Compétence transculturelle» avec des parties spécifiques sur le thème du traumatisme. Pourquoi cette offre combinée est-elle intéressante pour vous?

Daniel Ziegler: «Ce compromis est idĂ©al, car il rĂ©pond Ă  nos besoins: la formation commence tout d’abord par des informations gĂ©nĂ©rales sur la migration et l’exil. Ensuite, une personne rĂ©fugiĂ©e prĂ©sente les effets potentiels de l’exil sur les individus concernĂ©s. Enfin, nous dĂ©couvrons des pratiques de gestion adaptĂ©es aux personnes traumatisĂ©es. Â»

RenĂ© Giovannone: «Certaines des personnes qui travaillent dans nos ateliers sont traumatisĂ©es ou atteintes dans leur santĂ© mentale pour d’autres raisons, par exemple Ă  cause d’abus durant leur enfance, d’un sentiment de dĂ©racinement ou de nĂ©gligences en institution. Beaucoup d’entre elles ont une estime de soi extrĂŞmement faible et ne se sont jamais senties reconnues. Si quelqu’un ne parle jamais, refuse soudainement une tâche ou rejette une personne en particulier dans l’équipe, alors la formation continue nous aide Ă  mieux comprendre et analyser ces rĂ©actions. Â»

Cornelia Ziegler, alors qu’elle prĂ©sente les ateliers de montage: «Les responsables du cours nous ont souvent conseillĂ© de simplement essayer nos idĂ©es et d’observer les rĂ©actions. Je me rappelle avoir rĂ©ussi Ă  crĂ©er un lien avec une femme exilĂ©e traumatisĂ©e Ă  travers les photos de nos enfants que nous nous sommes montrĂ©es sur le natel. Les points communs crĂ©ent de la confiance. Il peut ĂŞtre prĂ©fĂ©rable de montrer Ă  nouveau le travail Ă  accomplir plutĂ´t que d’exprimer des critiques, cela semble Ă©galement ĂŞtre une bonne approche. Ce cours m’a donnĂ© beaucoup de courage et a renforcĂ© notre conviction que le bon sens, la passion et l’amour des gens constituent une bonne boussole. Â»

Symposium sur l’asile

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