Les personnes rĂ©fugiĂ©es de Gaza doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©es

12 août 2025

Nous sommes constamment confrontĂ©âˆ™e∙s aux images qui nous proviennent de Gaza. Pourtant, les Palestinien·ne·s, et en particulier les Gazaoui·e·s, qui parviennent Ă  rejoindre l'Europe et la Suisse sont peu nombreux·ses. Lorsqu'une crise semble lointaine, l'impuissance ou l'indiffĂ©rence prĂ©valent souvent. Nous devons au moins veiller Ă  ce que les personnes rĂ©fugiĂ©es de Gaza trouvent la protection Ă  laquelle elles ont droit.

Lucia Della Torre, juriste

Introduction 

Depuis les attaques du 7 octobre 2023, la situation Ă  Gaza s’est gravement dĂ©tĂ©riorĂ©e. Aujourd’hui, nous sommes chaque jour tĂ©moins de rĂ©cits bouleversants de victimes civiles, des femmes, des hommes et des enfants privé·e·s de toute forme de subsistance et de protection dans la bande de Gaza. Nous voyons d’atroces images tous les jours. Il en a Ă©tĂ© de mĂȘme pour de nombreuses autres situations de crise humanitaire avant celle-ci, comme celle en Afghanistan. Ou encore en Ukraine, ou avant cela en Syrie, ou dans les Balkans. TĂŽt ou tard, ces crises nous ont touché·e·s d'une maniĂšre ou d'une autre, devenant en partie « nĂŽtres ». Les gens fuyaient, traversaient les frontiĂšres, arrivaient en Europe, y compris en Suisse. Et celles et ceux qui le voulaient pouvaient agir : offrir leur aide, leur protection, leur solidaritĂ©. 

La situation est diffĂ©rente pour les personnes menacĂ©es par la guerre et une famine aiguĂ« dans la bande de Gaza. Seules quelques-unes parviennent Ă  quitter la bande de Gaza, et il est pratiquement impossible d'arriver en Suisse. De nombreuses personnes Ă©prouvent un grand sentiment d’impuissance, car elles ont l’impression de ne rien pouvoir faire pour les Palestinien∙ne∙s de Gaza. 

En tant qu'organisation qui s'engage Ă  ce que la Suisse offre une protection aux personnes rĂ©fugiĂ©es et dĂ©placĂ©es, nous voulons mettre en Ă©vidence les possibilitĂ©s qui existent en plus de l'aide humanitaire nĂ©cessaire sur place. En effet, il existe des instruments, prĂ©vus par le droit suisse, qui peuvent ĂȘtre utilisĂ©s pour tenter de garantir, dans la mesure du possible, les droits des Palestinien∙ne∙s de la bande de Gaza en quĂȘte de protection. Cet article vise Ă  montrer quels sont ces instruments.  

Renforcer et dĂ©velopper l'utilisation des visas humanitaires 

Le visa humanitaire a Ă©tĂ© conçu pour permettre aux personnes dont la vie ou l'intĂ©gritĂ© physique sont menacĂ©es de se rendre en Suisse en toute sĂ©curitĂ© afin d'y dĂ©poser une demande de protection internationale. La demande de visa humanitaire doit ĂȘtre dĂ©posĂ©e auprĂšs d'une ambassade suisse Ă  l'Ă©tranger. Si le pays d'origine de la personne menacĂ©e ne dispose pas d'une ambassade suisse, une demande de visa humanitaire peut ĂȘtre dĂ©posĂ©e auprĂšs d'un État tiers oĂč une ambassade suisse est prĂ©sente.  

Comme indiquĂ© prĂ©cĂ©demment, trĂšs peu de Gazaoui·e·s peuvent quitter la bande de Gaza. Celles et ceux qui y parviennent se trouvent principalement en Jordanie ou en Égypte, oĂč leurs conditions de vie sont extrĂȘmement difficiles et prĂ©caires, en particulier pour les personnes les plus vulnĂ©rables, telles que les femmes, les enfants, les personnes ĂągĂ©es et les malades. La Suisse dispose de reprĂ©sentations consulaires et diplomatiques dans ces pays. L'OSAR demande Ă  la ConfĂ©dĂ©ration d'accorder gĂ©nĂ©reusement des visas humanitaires Ă  ces personnes afin qu'aprĂšs avoir fui leur pays d'origine, oĂč elles ont dĂ©jĂ  subi des violences inimaginables, elles puissent au moins arriver en Suisse en toute sĂ©curitĂ© et demander une protection internationale.  

Protection pour toutes les personnes palestiniennes se trouvant en Suisse 

De nombreux personnes palestiniennes n'ont la nationalitĂ© d'aucun État et sont donc considĂ©rĂ©es comme apatrides. La plupart d'entre elles se trouvent dans des pays tels que la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Cisjordanie et, bien sĂ»r, la bande de Gaza. Dans tous ces pays, l'UNRWA, l'agence des Nations unies pour les Palestiniens, est active. En vertu de la protection que cette agence accorde aux Palestinien·ne·s se trouvant dans ces territoires, ni la Convention de GenĂšve relative au statut des rĂ©fugiĂ©s ni la Convention relative au statut des apatrides ne leur sont applicables.  

Si toutefois l'une de ces personnes quitte ces territoires pour chercher protection en Suisse et si son renvoi vers ces pays est considĂ©rĂ© comme inexĂ©cutable, alors non seulement elle a droit Ă  une admission provisoire, mais elle doit Ă©galement ĂȘtre reconnue comme apatride, puisqu'elle ne peut plus se placer sous la protection de l'UNRWA. Le Tribunal fĂ©dĂ©ral a clarifiĂ© cette question il y a quelques annĂ©es dans le cas d'un Palestinien originaire de Syrie (un pays vers lequel le renvoi est considĂ©rĂ© comme inexigible).  

Selon l'OSAR, cette position doit sans aucun doute s'appliquer Ă  toutes les personnes rĂ©fugiĂ©es palestiniennes provenant de la bande de Gaza, compte tenu de la situation actuelle. La reconnaissance du statut d'apatride offrirait en effet une protection juridique plus stable et plus complĂšte que l'admission provisoire. 

Enfin, Ă  la lumiĂšre de la jurisprudence de la CJUE et de celle des pays voisins, il convient d'examiner, y compris en Suisse, dans quelle mesure les Palestinien·ne∙s fuyant Gaza peuvent ĂȘtre reconnu∙e∙s comme rĂ©fugié·e∙s. D'une part, la capacitĂ© effective de l’UNRWA Ă  protĂ©ger et Ă  assister les rĂ©fugiĂ©âˆ™e∙s palestinien∙ne∙s Ă  Gaza peut dĂ©sormais ĂȘtre sĂ©rieusement remise en question. D'autre part, il est Ă©galement possible de soutenir que les Palestinien∙ne∙s de Gaza sont exposé·e∙s Ă  une persĂ©cution fondĂ©e sur des motifs pertinents au regard du droit d’asile.   

Conclusion 

Comme l’écrivit Susan Sontag : « la compassion est une Ă©motion instable, qui doit se traduire par des actions, sinon elle se fane. Si l'on a le sentiment que “nous “ ne pouvons rien faire et que “eux” ne peuvent rien faire, alors on commence Ă  s'ennuyer, Ă  devenir cynique, apathique. La passivitĂ© rend insensible ». 

Ne laissons pas se faner la compassion que nous ressentons lorsque nous voyons les images de la bande de Gaza. Ne devenons pas blasé·e·s, cyniques, apathiques. 

Il est de notre devoir de crĂ©er les conditions pour que les personnes rĂ©fugiĂ©es de Gaza obtiennent la protection nĂ©cessaire et un statut de sĂ©jour stable.  

Se dĂ©tourner est un choix. Agir aussi. Dans un monde oĂč l'indiffĂ©rence est facile, choisir la responsabilitĂ© est un acte politique et humain.  

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