Le rapport du Conseil fédéral repose sur une étude (uniquement disponible en allemand) réalisée par des expert·e·s de l’institut d’études européennes de l’Université de Bâle sous la direction de Ralf Weber, sur mandat du Département fédéral de justice et police (DFJP) et du Secrétariat d’État aux migrations (SEM). Selon celle-ci, quelque 7500 personnes tibétaines et 150 personnes ouïgoures pourraient être concernées en Suisse.
Les personnes politiquement actives courent un risque accru d’être systématiquement observées, photographiées et filmées et de voir leurs activités de communication surveillées. Ces mesures peuvent aussi cibler les ressortissant·e·s suisses qui s’engagent dans ce contexte.
De lourdes conséquences sur le quotidien et l’exercice des droits fondamentaux
L’étude commence par définir dix formes de répression transnationale observées partout dans le monde en lien avec la République populaire de Chine. Les chercheur·euse·s montrent ensuite les méthodes utilisées pour surveiller, menacer ou faire pression sur les membres des communautés tibétaine et ouïgoure en Suisse en citant des tentatives d’inciter des personnes à retourner en Chine et des cas d’espionnage de personnes réfugiées. Des personnes tibétaines participant à un événement religieux ont été physiquement agressées. Des Tibétain·e·s racontent que la délivrance de visas pour se rendre dans leur province d’origine est utilisée tantôt pour les inciter à collaborer, tantôt pour sanctionner tout engagement politique indésirable. De nombreuses personnes appartenant à l’une ou l’autre communauté ont été photographiées, mises sur écoute lors d’appels avec leurs proches ou ciblées par des cyberattaques.
Outre les personnes opposantes au régime avérées ou présumées, celles dont le statut de séjour est précaire et celles qui ont des proches en République populaire de Chine sont particulièrement exposées au risque de répression transnationale. Selon l’étude, celle-ci est le fait de fonctionnaires chinois·es, mais aussi de personnes recrutées au sein même des communautés concernées, dans lesquelles se développe donc un climat de méfiance mutuelle qui entrave considérablement le quotidien des personnes d’ethnie tibétaine et ouïgoure vivant en Suisse et les empêche d’exercer leurs droits fondamentaux.
Les personnes concernées doivent bénéficier d’une protection efficace
Le problème de la répression transnationale est connu depuis longtemps. Dès mars 2018, le rapport « L’ombre chinoise » de la Société des peuples menacés (SPM) suggérait que le régime chinois surveillait et intimidait aussi les personnes tibétaines vivant en Suisse. L’OSAR se félicite donc que le Conseil fédéral présente enfin, dans son rapport récent, des instruments et des mesures pour lutter contre les pratiques observées de la répression transnationale. L’OSAR est particulièrement favorable au mandat d’examen relatif à la sensibilisation et à la formation des autorités fédérales, cantonales et communales compétentes à l’égard des groupes de population visés par la répression transnationale.
Le SEM doit éliminer autant que possible le risque de répression transnationale dans la procédure d’asile à travers la sélection, la formation et le contrôle de qualité des interprètes et des expert·e·s externes de l’Unité spécialisée pour les analyses de provenance (LINGUA). Il en va de même concernant l’évaluation des déclarations des personnes requérantes d’asile. Toute personne en quête de protection qui risque d’être persécutée pour ses activités politiques en exil en raison de la répression transnationale doit être reconnue en tant que personne réfugiée.
La question de la répression transnationale doit également être examinée à l’égard des victimes potentielles venant d’autres pays, notamment de Russie, d’Iran, de Turquie et d’Érythrée. Il s’agit de la seule façon de prendre des contremesures efficaces.