Jugement décevant sur le traitement des personnes concernées par les maladies psychiques en Italie

25 avril 2022

Dans un arrêt de référence du 19 avril 2022 concernant l’Italie, pays Dublin, le Tribunal administratif fédéral assouplit l’obligation d’obtenir des garanties préalablement au transfert de personnes souffrant de maladies psychiques. Dans ce contexte, l’OSAR souligne sa recommandation de renoncer de manière générale aux transferts vers l’Italie en cas de maladies psychiques.

Le verdict porte sur un Irakien souffrant de graves troubles psychiques et de problèmes physiques. Le SEM n’est pas entrĂ© en matière sur sa demande d’asile car conformĂ©ment au règlement Dublin III, il a estimĂ© que l’Italie Ă©tait l’État compĂ©tent pour l’examen de sa demande. Depuis dĂ©cembre 2019, pour transfĂ©rer lĂ©galement des personnes gravement malades de Suisse vers l’Italie, il fallait obtenir des autoritĂ©s de ce pays des garanties quant Ă  une prise en charge et un hĂ©bergement adĂ©quats. MalgrĂ© les indications fournies par le suivi mĂ©dical de la personne concernĂ©e, le SEM a considĂ©rĂ© que la maladie n’était pas suffisamment grave pour qu’il faille demander des garanties individuelles dans ce cas particulier. Dans son arrĂŞt de rĂ©fĂ©rence (D-4235/2021) du 19 avril 2022, le Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral juge que la gravitĂ© de la maladie n’est dĂ©sormais plus pertinente si la personne n’a pas encore dĂ©posĂ© de demande d’asile en Italie. En effet, dans ces cas, les requĂ©rant-e-s d’asile auraient accès aux prestations sociales, y compris aux soins et traitements nĂ©cessaires et urgents, immĂ©diatement après leur arrivĂ©e en Italie. 

Les explications du Tribunal sont diamĂ©tralement opposĂ©es aux conclusions de l’OSAR. Dans diffĂ©rents rapports, le plus rĂ©cent datant de fĂ©vrier 2022, l’OSAR a expliquĂ© que l’accès au traitement des maladies psychiques est plus difficile en Italie. Il n’y a pas assez de places spĂ©cialisĂ©es, il manque des mĂ©canismes d’identification pour les personnes vulnĂ©rables, qui doivent en outre faire face Ă  des obstacles linguistiques. Le traitement dans les centres de premier accueil est ainsi limitĂ© Ă  15 minutes par personne et par mois, tandis que le nombre de places spĂ©cialisĂ©es dans le système de second accueil SAI est largement insuffisant pour couvrir les besoins. Selon les conclusions de l’OSAR, l’affirmation du tribunal selon laquelle les personnes transfĂ©rĂ©es d’un État Dublin ont en principe accès, dès leur arrivĂ©e en Italie, aux prestations sociales, y compris aux soins et traitements nĂ©cessaires et urgents, est inexacte. Les personnes qui n’ont pas encore dĂ©posĂ© de demande d’asile en Italie doivent, comme les autres requĂ©rant-e-s d’asile, dĂ©poser une demande d’asile auprès de l’autoritĂ© de police compĂ©tente (Questura) avant d’avoir accès aux prestations. L’accès Ă  la procĂ©dure d’asile comporte Ă©galement des obstacles et des temps d’attente parfois longs. MĂŞme après l’enregistrement, aucun hĂ©bergement n’est garanti et, par consĂ©quent, aucune prise en charge adĂ©quate. 

Du point de vue de l’OSAR, cet arrêt est très décevant. La situation des personnes réfugiées en Italie reste problématique à de nombreux égards, notamment pour les personnes souffrant de maladies psychiques. Elle considère donc que l’assouplissement de l’obligation de demander des garanties avant d’éventuels transferts est problématique. Dans le même temps, elle insiste une nouvelle fois sur sa recommandation de renoncer de manière générale à transférer des personnes vers l’Italie si celles-ci ont besoin d’un traitement psychologique ou psychiatrique à long terme.